Le mipomersen pourrait réduire le risque cardiaque

Un plus dans des hypercholestérolémies homozygotes familiales

Publié le 16/03/2010
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JUSQU’À PRÉSENT, la LDL aphérèse est la solution de dernier recours. Difficiles à normaliser, les hypercholestérolémies familiales homozygotes sont souvent résistantes aux hypolipémiants classiques et exposent les sujets atteints à des complications cardio-vasculaires à un âge précoce. Dans cette affection génétique rare et grave, puisqu’en l’absence de traitement, les sujets survivent rarement au-delà de 30 ans, un nouveau traitement médical injectable semble prometteur. Une équipe internationale dirigée par un médecin sud-africain, le Pr Frederick Raal, vient de tester le mipomersen, un inhibiteur antisens de la synthèse de l’apolipoprotéine B, à la dose de 200 mg hebdomadaires par voie sous-cutanée, chez 51 patients âgés de plus de 12 ans et atteints par cette rare maladie génétique. Une diminution en moyenne de 25 % du taux de LDL cholestérol a été constatée au bout de vingt-six semaines en association au traitement habituel hypolipémiant, y compris des statines à hautes doses. Comme une réduction de 24 à 30 % du LDL-cholestérol diminue de manière significative la survenue d’accidents thrombo-artériels, quel que soit le taux initial, il y a fort à parier que le mipomersen pourrait permettre d’éviter nombre de complications cardio-vasculaires chez ces sujets à risque.

Patients âgés de 31 ans.

Sept pays, soit neuf centres spécialisés au total, ont participé au recrutement : Afrique du Sud, Brésil, Taïwan, Singapour, États-Unis, Royaume-Uni et Canada. Âgés en moyenne de 31 ans, les 51 patients ayant un diagnostic clinique ou génétique d’hypercholestérolémie familiale homozygote ont été randomisés en deux groupes : 34 dans le groupe mipomersen et 17 dans le groupe placebo. Tous étaient déjà traités par dose maximale tolérée d’hypolipémiants soit statines, inhibiteurs de l’absorption du cholestérol, résines ou acide nicotinique, ou une association de plusieurs. À l’inclusion, leur taux de LDL cholestérol était supérieur à 3,4 mmol/l (soit 1,30 g/l), en moyenne à 10-11 mmol/L (soit 3,90 g/l). Dans le groupe mipomersen, des réductions comparables à celle du LDL cholestérol ont été constatées pour les autres lipoprotéines : apoliprotéine B, non-HDL cholestérol, VLDL cholestérol et lipoprotéine (a). Si des réactions au site d’injection étaient l’effet secondaire le plus fréquent, chez 26 patients du groupe traité (76 %) versus 4 du groupe placebo (24 %), quatre patients (12 %) du groupe mipomersen ont présenté une multiplication par 3 du taux de transaminases ALAT.

Stéatose hépatique.

Comme le soulignent des biochimistes britanniques dans un éditorial, la survenue sous traitement d’une stéatose hépatique est un événement indésirable à prendre en considération. Si l’inhibition de synthèse d’apolipoprotéine B entraîne une diminution de la sécrétion de LDL et de VLDL cholestérol, elle peut s’accompagner ainsi d’une accumulation de lipides dans le foie. Chez les quatre patients de l’étude ayant une augmentation des ALAT, une stéatose hépatique était constatée à l’IRM avec parallèlement de très fortes diminutions du LDL cholestérol plasmatique. Même si cette surcharge hépatique est le plus souvent bénigne, elle peut parfois dégénérer en fibrose puis cirrhose. Des essais de phase III testant le mipomersen sont actuellement en cours avec surveillance hépatique à l’IRM. Ce médicament, qui semble d’ailleurs bénéfique à des doses plus fortes, jusqu’à 300 mg/semaine, pourrait se révéler intéressant dans la prise en charge d’autres formes d’hypercholestérolémies sévères réfractaires.

The Lancet, publication en ligne du 14 mars 2010.

 DR IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8729