LE QUOTIDIEN : Quels sont les dossiers de la rentrée pour le secteur privé solidaire ?
CHARLES GUEPRATTE : La rentrée est intense. Pour le sanitaire, nous sommes très satisfaits d'être enfin éligibles aux revalorisations « Braun » mises en place provisoirement en 2022 – dont nous étions exclus dès l'origine – qui viennent d'être pérennisées. Je précise que nous avons rempli nos missions d'urgences non programmées ! Dans plusieurs villes, comme Bordeaux, nous avons été sollicités de manière très intense dans nos établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic), les CHU ayant connu de grandes difficultés en termes d'organisation.
Ces mesures ne vont pas enrichir nos établissements qui réinvestissent leurs excédents en fin d'année budgétaire. Elles vont nous permettre surtout de garantir l'attractivité de nos postes au sein des hôpitaux privés solidaires. L'écart de rémunération avec les hôpitaux publics nous pénalisait.
Et pour le médico-social ?
Là, je suis moins enthousiaste que pour le sanitaire. Nous avons multiplié par trois ou quatre le déficit des Ehpad en deux ans. En moyenne, chaque Ehpad est déficitaire d'environ 250 000 euros. Cela signifie que, pour une structure de 50 places, il faut supprimer trois ou quatre places. À la différence des Ehpad publics, ceux de la Fehap sont mortels ! Nous sommes satisfaits du fonds d'urgence de 100 millions d'euros qui vient d'être constitué, et qui va nous permettre de gagner trois ou quatre mois. Mais que ferons-nous, une fois les 100 millions consommés ?
Nous avons besoin d'une réforme structurelle. Autre élément de frustration extrême, l'absence de visibilité sur la proposition de loi « bien vieillir » qui s'est arrêtée au milieu du chemin en avril. En dépit des annonces gouvernementales, c'est très loin des enjeux du secteur en matière de modèle économique des Ehpad, complètement exsangue.
La nouvelle ministre des Solidarités Aurore Bergé a prévu de combler certains effets de l'inflation à travers la mise en place d'un bouclier énergétique…
Oui, il s'agit de la poursuite du dispositif actuel qui permet de maîtriser une partie des coûts liés à l'énergie. Mais il faut voir si cela ne comprend pas la reconduction de mesures déjà existantes. Avec la FHF, la FHP et Unicancer, nous demandions 1,5 milliard au total pour le sanitaire et le médico-social pour couvrir le sous-financement des coûts liés à l’inflation. Concernant le périmètre de la Fehap, nous l'estimons à 750 millions d'euros associant le sanitaire et le médico-social.
Quid de la loi grand âge ?
Nous n'avons pas eu de loi de programmation depuis de nombreuses années. Cela fait plus de six ans que nous attendons cette loi grand âge ! Toutefois, le cinquième risque a été créé, avec des moyens financiers disponibles mais insuffisants. Le sujet arrive comme un mur, celui du vieillissement inexorable de la population. Dans trois à cinq ans, nous devrons absolument nous poser la question du modèle à adopter.
Le gouvernement avait promis de recruter 3 000 soignants en Ehpad pour 2023. Est-ce à la hauteur ?
L'exécutif avait surtout promis de créer 50 000 postes supplémentaires sur l'ensemble du quinquennat. Mais ce n'est pas tout. Il faut faire en sorte que les aides-soignants formés ne soient pas payés moins que des salariés au Smic. Ensuite, il faut redonner une image positive à nos emplois, notamment à l'adresse des jeunes.
S'il y a eu de la maltraitance institutionnelle faute de ressources, c'est un sujet que nous devons travailler en priorité : ainsi, le taux d'accompagnement dans les établissements de la Fehap est de 0,7 professionnel pour un résident. L'idéal serait d'atteindre un professionnel pour un résident ! On aurait déjà une bonne marge de progression avec 0,9 professionnel pour un résident, soit 50 000 emplois supplémentaires. Nous sommes donc très loin du compte. Enfin, nous souhaiterions revoir le dispositif de Parcoursup qui ne nous est pas favorable.
Quid de la situation des médecins coordonnateurs ?
C'est toujours très difficile de trouver des médecins coordonnateurs. En général, ils sont obligés de faire à la fois de la coordination et de la clinique. Or, nous avons besoin de beaucoup de temps de coordination, souvent à 40 %, 50 %, voire 60 % de leur horaire total. Mais dans un système où les ressources sont rares, c'est normal de concentrer les médecins sur de l'exercice clinique, plutôt que de la coordination.
Pourtant, nous avons déjà su mettre en place des mesures d'attractivité pour nos médecins, où il n'y a pas un turnover important. Autres solutions possibles, nous pouvons augmenter le nombre de médecins coordonnateurs multisites.
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