Le 2 avril, le directeur général de la santé avait révélé publiquement les premiers chiffres redoutés : au moins 884 personnes décédées du Covid-19 dans le secteur social et médico-social, notamment dans les EHPAD — et près de 15 000 premiers cas recensés, un décompte qui n'était pas agrégé auparavant.
Depuis le début de la crise, la presse locale égrène les décès dans les EHPAD, parfois jusqu'à 20 consécutifs dans un seul établissement. Avec une situation territoriale très hétérogène : en fin de semaine dernière, l'agence régionale de santé (ARS) du Grand Est précisait que sur les 620 EHPAD de son périmètre, 411 étaient touchés par le coronavirus. Le SYNERPA (secteur privé) estimait de son côté que 60 à 70 % de ses établissements adhérents sont encore épargnés, majoritairement à l'Ouest. Mais d'autres sont dans une situation « inquiétante », voire « dramatique » (une cinquantaine) notamment en Ile-de-France et dans l'Est, avec 50 à 60 % des résidents atteints, souligne Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale.
Sur le terrain, il faut composer avec les consignes et s'adapter en permanence. Les visites des familles ont d'abord été interdites, accroissant l'isolement des résidents, et les mesures barrières systématisées malgré la carence initiale de masques. Fin mars, nouvelle salve de mesures : les soignants des EHPAD doivent être testés en priorité, les déplacements des résidents limités même en l’absence de cas suspects ou confirmés. Les activités et prises de repas collectives sont interdites, et le confinement en chambre individuelle est préconisé, même s'il doit être décidé au cas par cas avec la direction, l'équipe soignante et si possible la famille, a mis en garde le comité national consultatif d'éthique (CCNE).
Bon sens et humanité
Pour limiter la propagation du virus et la contamination des résidents et des soignants, de nombreux établissements se sont transformés en « forteresses ». Les équipes soignantes s'organisent, malgré un manque de surblouses et de masques FFP2, et appliquent les règles durcies de confinement, parfois mal vécues par les résidents et leurs familles. « Il faut s'ajuster en fonction des structures et des cas. Cela ne veut pas dire que la personne âgée est totalement enfermée dans sa chambre, elles peuvent par exemple continuer à sortir se promener dans le jardin », explique le Dr Gaël Durel, gériatre et président de l'association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (Mcoor).
D'autant que pour les patients atteints de troubles cognitifs, le confinement renforcé se révèle encore plus complexe. « Il faut gérer avec bon sens et humanité. Un patient qui a la maladie d'Alzheimer pourra déambuler dans les chambres d'autres résidents. Or, lui imposer une camisole thérapeutique n'est pas acceptable à mon sens. Je préfère laisser une aire de déambulation », témoigne le Dr Denis Craus, médecin coordonnateur intervenu en renfort sur plusieurs établissements de Meurthe-et-Moselle et des Vosges.
Filières gériatriques
Ces règles impliquent de repenser l'accès aux soins. Faut-il continuer à faire venir le médecin traitant ou le kiné, potentiellement en contact avec le virus dans leur exercice de ville ? « S'il y a un médecin coordonnateur à temps plein dans la structure, il vaut mieux qu'il s'occupe de tous les patients, explique le Dr Craus. Je fais par exemple les ordonnances et le suivi des traitements, en lien avec le médecin traitant, Mais ce n'est pas possible partout, d'où l'intérêt des mesures barrières, et surtout de tester au plus vite les professionnels de santé ! » Dans la plupart des établissements, la kiné motrice a été réduite, mais la kiné respiratoire maintenue, explique Florence Arnaiz-Maumé. « L'important est que la continuité des soins se poursuive, car il y a toujours d'autres pathologies », rappelle-t-elle.
Surtout, lorsque les personnes âgées dépendantes sont porteuses du virus, il convient de favoriser l'accès aux soins les plus adaptés, grâce une évaluation la plus juste possible du pronostic vital. Instances gériatriques, médecins coordonnateurs et directeurs plaident ainsi pour l'accès facilité à des structures gériatriques de proximité (soins continus, hôpitaux, SSR, etc.), dans le cadre de filières organisées, lorsque cette prise en charge représente un « bénéfice réel ». « Si c'est possible, il faut une évacuation des patients positifs, pour qu'ils soient pris en charge plus dignement en soins de suite et de réadaptation. Les EHPAD n'ont pas les moyens de se transformer en service de réanimation de pointe », résume le Dr Pierre Marie Coquet, à la tête du Syndicat des médecins coordonnateurs généralistes ou gériatres (SMCG-CSMF).
Pour aider les médecins et soignants à prendre ces décisions, une hotline gériatrique 24/24 s'est mise en place dans la plupart des régions.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024