Le Quotidien : Quel est, selon vous, le point marquant de l’année 2018 en gynécologie ?
Pr ISRAEL NISAND : C’est, sans conteste, l’attribution du prix Nobel de la paix à l’un des nôtres, le Dr Denis Mukwege. Un point de vue que je partage avec l’ensemble des membres du bureau du CNGOF. Au risque de sa vie et de celle de sa famille, ce gynécologue répare des femmes détruites par une violence qui dépasse tout ce que l’on peut imaginer dans la région du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo. Or, ce qu’il applique en Afrique, il l’a appris en France car il a été formé ici. Il est d’ailleurs membre d’honneur du CNGOF. Sa mobilisation est liée à son courage et, comme tous les gynécologues français, il a la préoccupation d’améliorer la santé des femmes. Nous nous sentons très honorés par ce prix, qui plus est dans une période où l’on reproche aux gynécologues des violences obstétricales.
Comment jugez-vous la polémique sur ces violences justement ?
Nous subissons, depuis 2 ans, une espèce de punition collective sous la forme d’accusations de violences obstétricales. Il y a une sorte de « bashing » gynécologique, sur les réseaux sociaux mais également relayé par les ministres. Il ne s’agit pas de dire qu’il n’y a pas, comme dans toute profession, des personnes qui ont pu mal se comporter ou se comportent mal. Mais ces situations servent au gouvernement à masquer les manques de moyens dont souffrent les maternités en France. Sur les 20 dernières années, on a fermé 40 % des maternités sans répercuter les ressources sur celles qui accueillent les patientes en plus. La sécurité des femmes n’est plus assurée. Or, dès qu’il y a une polémique ou un accident, les responsables politiques pointent du doigt les gynécologues. Dans ce contexte, la seule chose positive pour cette année, dans notre discipline, c’est le prix Nobel du Dr Mukwege. Il montre que notre profession est, en entier, orientée vers la bientraitance.
Des actions sont-elles envisagées face au manque de moyens des maternités ?
Pendant un an et demi, le CNGOF a travaillé avec une commission regroupant des représentants des anesthésistes, des pédiatres, des sages-femmes pour établir des normes de sécurité en termes d’effectifs dans les maternités, à partir de la littérature scientifique. Aussi étrange que cela puisse paraître, de telles normes n’existaient pas, en France. Elles sont désormais validées et constituent une sorte de minimum-minimorum indispensable pour assurer les sécurités des accouchements. Elles seront envoyées aux 517 maternités de France, avec un questionnaire qui nous permettra de faire un état des lieux de la situation. Ainsi, en cas de problème, les magistrats pourront déterminer si la maternité était bien aux normes. Si ce n’est pas le cas, ce sera bel et bien la puissance publique qui sera désignée comme responsable et non les médecins.
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