C’était une disposition prise dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Les modalités d’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse en ville avaient été temporairement modifiées pour permettre un accès par téléconsultation et un allongement des délais de deux semaines, jusqu'à 7 semaines de grossesse, soit 9 semaines d'aménorrhée (SA). Le décret publié le 19 février au « Journal officiel » pérennise le dispositif.
Entre-temps, la Haute Autorité de santé (HAS), saisie par le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait actualisé ses recommandations en avril 2021. « L’objectif est d’étendre de manière pérenne le délai d’une IVG en ville jusqu’à 9 SA en répondant à plusieurs enjeux : réduire le délai d’accès à l’IVG médicamenteuse, élargir l’offre de soin qui doit être possible en ville comme à l’hôpital mais aussi alléger la charge des établissements de santé qui doivent pouvoir se concentrer sur les IVG chirurgicales », expliquait-elle alors.
Une IVG par téléconsultation encore impossible à l'hôpital
Le décret, entré en vigueur le 20 février, modifie donc durablement l’allègement des conditions de réalisation des IVG médicamenteuses en ville. À côté de l’allongement des délais de 7 à 9 SA, le texte permet la prescription des médicaments nécessaires par le médecin ou la sage-femme par téléconsultation. Le professionnel de santé « doit obligatoirement avoir passé une convention avec un établissement de santé autorisé pour réaliser cette activité », précisait le Pr Aubert Agostini, responsable gynécologie à l’hôpital de la Conception à Marseille, lors de la publication des recommandations de la HAS.
Les médicaments sont ensuite délivrés par une pharmacie d'officine, « de manière à garantir la confidentialité et, le cas échéant, de permettre de préserver l'anonymat de l'intéressée », détaille le décret. Le texte supprime ainsi « la première prise obligatoire de médicament devant le professionnel de santé », est-il précisé.
Ces nouvelles dispositions sont accueillies « très positivement » par le Dr Philippe Faucher, gynécologue-obstétricien à l’hôpital Trousseau et vice-président du Réseau entre la ville et l'hôpital pour l'orthogénie (Rehvo). Il regrette néanmoins que le dispositif ne soit pas étendu à l’hôpital, en raison de contrainte législative. « Rendre accessible l’IVG par téléconsultation exclusive à l’hôpital nécessite de modifier la loi sur l’IVG », explique-t-il au « Quotidien ».
Une occasion de développer l’IVG en ville ?
Le Dr Faucher craint en conséquence que « les régions qui ont le plus besoin de ce dispositif n’en bénéficient pas ou moins en raison d’un déficit de professionnels pratiquant l’IVG en ville », créant une inégalité d’accès sur le territoire. « Dans les régions où l’IVG en ville s’est beaucoup développée, comme en Île-de-France par exemple, les femmes seront avantagées par rapport à celles résidant dans des régions où peu de professionnels la pratiquent. Elles n’auront que l’hôpital comme recours et seront contraintes de se déplacer », poursuit-il, espérant malgré tout que l’arrivée de la téléconsultation soit « une occasion supplémentaire de développer l’IVG en ville dans les régions en déficit ».
En parallèle de la publication de ce décret, la proposition de loi visant à renforcer l'accès à l'IVG est en passe d’être adopté définitivement le 23 février à l’Assemblée nationale, après plusieurs lectures dans l’hémicycle et au Sénat. Le texte prévoit l'allongement de la durée légale du recours à la méthode instrumentale jusqu'à 14 semaines de grossesse (16 SA) contre 12 semaines actuellement (14 SA), mais aussi l'extension des compétences des sages-femmes qui pourront pratiquer des IVG chirurgicales dans un établissement de santé jusqu'à la fin de la 14e semaine de grossesse (16 SA, comme les médecins).
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