SEP et hormones

Des relations très rassurantes

Publié le 11/03/2011
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Femme jeune

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie de la femme jeune, en âge de procréer. Cette maladie atteint en effet des femmes 2 fois sur 3, ce qui pose le problème du rôle des hormones sexuelles dans cette affection.

La SEP n’a aucune conséquence sur la fertilité. De même, il est actuellement admis que la contraception orale est sans incidence sur l’évolution de la maladie. Des données expérimentales mais aussi cliniques suggéraient que la contraception orale pouvait exercer un rôle protecteur vis-à-vis du risque de développement et de progression la maladie. Cette hypothèse a été clarifiée par Hernán M. A. et coll. en 2000 (1). Leur étude prospective a en effet montré que les contraceptifs oraux n’ont pas d’effet propre et qu’ils peuvent être utilisés sans restriction sur ce point.

Grossesse sans incidence, puis réactivation

Depuis une vingtaine d’années, le mythe de l’accroissement du risque de poussée et de handicap en cas de grossesse est tombé. Il revient à l’étude PRegnancy In Multiple Sclerosis (PRIMS) d’avoir clarifié les conséquences de la grossesse sur la fréquence des poussées et sur le handicap (2). La période de la grossesse est neutre sur l’évolution de la SEP. Dans cette étude prospective, les auteurs ont inclus 227 femmes enceintes européennes atteintes de SEP. Leur suivi a commencé pendant la grossesse et s’est poursuivi pendant les deux ans qui ont suivi l’accouchement. Les auteurs ont observé une diminution progressive de la fréquence des poussées au cours de la grossesse. Au cours du troisième trimestre, cette diminution a atteint 70 % par rapport avec l’année précédant la grossesse.

Après l’accouchement, une réactivation de la fréquence des poussées a été toutefois constatée chez une patiente sur trois dans les semaines qui ont suivi la fin de la grossesse. L’essai thérapeutique POPART’MUS, en cours, a pour objectif d’évaluer l’efficacité de la combinaison d’un dérivé de la progestérone et d’estradiol administré immédiatement après l’accouchement dans la prévention des poussées du post-partum (3).

Enfin, aucun effet délétère de la grossesse n’a été mis en évidence sur l’évolution de la maladie vis-à-vis de la progression et du handicap.

Allaitement possible

L’allaitement est tout à fait possible sans risque chez les patientes atteintes de SEP. Dans l’étude PRIMS, 123 malades sur 208 ont allaité. Le nombre de poussées ainsi que la progression du handicap n’ont pas été différents dans le groupe des femmes allaitantes par rapport à celles qui n’avaient pas choisi l’allaitement. Son effet serait plutôt favorable. Ces données confirment donc les études plus anciennes, et autorisent l’allaitement dans la maladie, sauf si les patientes reçoivent un traitement contre-indiqué en cas d’allaitement.

Dans une large étude italienne prospective observationnelle très récente, comprenant 302 grossesses, l’effet de l’allaitement, classiquement protecteur des poussées du post-partum, a été analysé. Celui-ci était en fait sans effet significatif sur la réactivation de la maladie après l’accouchement.

Traitements immunomodulateurs

Les traitements immunomodulateurs apparaissent sans risque chez la femme enceinte. De 1998 à 2008, 1 031 grossesses ont commencé sous interféron bêta-1a par voie sous-cutanée, essentiellement aux États-Unis, correspondant à une durée moyenne d’exposition de 23 jours. Le nombre d’avortements spontanés et de malformations à la naissance est apparu parfaitement comparable à ceux qui sont observés dans une population de femmes indemnes de SEP. Deux cent vingt-six patientes traitées par interféron bêta-1a par voie intramusculaire ont été exposées au traitement pendant le premier trimestre de grossesse. Là encore, l’innocuité des traitements immunomodulateurs a été rapportée. Concernant l’acétate de glatiramère, 35 New-Yorkaises atteintes de SEP ont eu la possibilité de maintenir leur traitement ; 23 d’entre elles ont décidé de le garder, sans conséquence délétère.

Pour le natalizumab, un antagoniste de l’alpha-4 intégrine, les fichiers nord-américain et allemand qui assurent le recueil des données relatives aux patientes qui ont reçu ce traitement dans les 3 mois avant le début de la grossesse ou même après son début, les données sont rassurantes.

Toutes ces études, qu’elles aient porté sur des immunomodulateurs ou sur le natalizumab, sont très rassurantes quant à l’innocuité de ces produits pendant la grossesse pour la mère et l’enfant. Il reste pourtant conseillé de stopper ces traitements avant la grossesse.

Références

1) Hernán MA, et coll. Oral contraceptives and the incidence of multiple sclerosis. Neurology 2000 ; 55 (6) : 848-54.

(2) Confavreux C, et coll. Rate of pregnancy-related relapse in multiple sclerosis. N Engl J Med 1998 ; 339 : 285-91.

(3) Vukusic S, et coll. The Prevention of Post-Partum Relapses with Progestin and Estradiol in Multiple Sclerosis (POPART’MUS) trial : Rationale, objectives and state of advancement. J Neurol Sci 2009 ; 286 (1-2) : 114-8.

Dr GÉRARD BOZET D’après un entretien avec le Pr Thibault Moreau (service de neurologie, CHU, Dijon), président du Comité médico-scientifique de la Fondation ARSEP.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8921