Alors que l’efficacité et la sécurité de l’hydroxychloroquine dans la prise en charge des patients atteints de Covid-19 font l'objet de polémique, une nouvelle étude (1), menée chez le singe, échoue à mettre en évidence un effet antiviral de la molécule chez des animaux infectés. Pilotée par le Dr Roger Le Grand, directeur du département IDMIT (Infectious Diseases Models for Innovative Therapies) de l'Institut de biologie François Jacob (CEA/INSERM/Paris Saclay), l’étude a fait l'objet d'une prépublication avant une publication dans « Nature ».
Les chercheurs ont d’abord évalué l’efficacité antivirale de l’hydroxychloroquine in vitro, sur un modèle cellulaire (Vero E6) et un modèle d’épithélium des voies respiratoires reconstituées (MucilAirTM). Ils ont ensuite évalué l’efficacité de la molécule, seule ou en combinaison avec l’azithromycine, versus placebo chez des macaques Cynomolgus (Macaca fascicularis) infectés par le SARS-CoV-2. Différentes stratégies de traitement ont été testées : en prophylaxie avant l’infection ; tôt après l’infection (avant le pic de charge virale) avec une dose de charge élevée ou plus faible ; tôt après l’infection avec une dose de charge élevée + azithromycine ; tard après l’infection (après le pic de réplication virale).
Pas d’intérêt en prophylaxie ou aux stades précoces de la maladie
Si l’étude a confirmé une efficacité antivirale dose-dépendante de l’hydroxychloroquine in vitro dans des tests conventionnels sur les cellules Vero E6, cette activité antivirale n’a en revanche pas été observée dans des tests plus complexes utilisant les cellules d’épithélium respiratoire, et la molécule n’a pas eu d’effet protecteur sur l’intégrité du tissu épithélial infecté. « Ces résultats, différents selon le modèle cellulaire, montrent que l’on ne peut pas se baser uniquement sur les données obtenues sur les cellules Vero E6, le standard des standards en virologie, pour prédire l’efficacité d’une molécule », fait remarquer le Pr Le Grand.
Les données sur le singe sont sans appel : l’hydroxychloroquine n’a pas d’effet antiviral sur les cellules du tractus respiratoire, comparativement au groupe contrôle, que ce soit en pré-exposition ou lors des phases précoces de la réplication virale, « y compris aux doses les plus fortes permettant d’atteindre des concentrations plasmatiques importantes d’hydroxychloroquine similaires à celles observées chez les patients Covid-19 traités par ce médicament », indique le directeur de l’IDMIT. Il n’a pas non plus été mis en évidence d’efficacité clinique de l’hydroxychloroquine (pas de prévention de la lymphopénie ni des lésions pulmonaires).
Pour le scientifique, « il n’y a donc pas d’intérêt de la molécule en prophylaxie ou en traitement précoce des patients atteints par le Covid-19 ». Pour autant, ajoute-t-il, « cette étude ne permet pas d’évaluer un éventuel effet immunomodulateur de l’hydroxychloroquine, tel qu’il existe pour la prise en charge du lupus ou de la polyarthrite rhumatoïde par exemple ». Ce qui laisse, selon lui, la possibilité d’un intérêt de la molécule en tant qu’immunomodulateur dans les phases tardives de la maladie même si, précise-t-il, « les études en cours sur cet aspect ne permettent actuellement pas de conclure ».
Une méthodologie solide
Pour le Pr Le Grand, ces résultats sur le singe sont d’autant plus intéressants qu’ils permettent d’évaluer de façon accélérée l’efficacité de l’hydroxychloroquine tout en contrôlant de nombreux paramètres dans le respect de la méthodologie scientifique. À la différence de ce qui est possible chez l’homme : « la volonté, légitime, de vouloir tester en urgence cette molécule en clinique ne permet pas toujours de mettre en place de véritables essais cliniques contrôlés comme l’essai Discovery, souligne-t-il. La plupart des résultats récents sont issus de la pratique clinique sans que les groupes témoins nécessaires et la puissance statistique appropriée n’aient pu être définis ; ils ne permettent pas la comparaison à des groupes non traités ou traités avec un autre médicament ».
Pour le chercheur, « il en ressort donc plutôt des tendances, des observations qui ne permettent pas de conclure, là où notre étude chez le singe permet une analyse statistique de l’effet de la molécule ».
(1) P. Maisonnasse et al. Nature 2020 DOI : 10.21203/rs.3.rs-27223/v1
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