Alors qu’un peu plus d’un an nous sépare de la découverte du SARS-CoV2 et que notre quotidien de médecin est rythmé par la troisième vague de Covid-19, plus intense en France que la seconde et quasi identique à la première en termes de morbidité hospitalière, une autre valse rythme l’actualité dans les médias : celles des variants viraux, tous plus « exotiques » les uns que les autres.
Plusieurs raisons virologiques et épidémiologiques expliquent l’émergence régulière de ces souches virales présentant des mutations souvent sans implication clinique, et parfois avec des conséquences en termes de transmissibilité, résistance aux antiviraux ou encore de morbi-mortalité inquiétantes. Deux mécanismes physiopathologiques sous-tendent l’émergence de ces clades.
Un virus peut tout d’abord vouloir échapper à la pression de sélection thérapeutique : il acquiert des mutations sur un gène impliqué dans la synthèse d’une protéine du cycle de réplication viral qui change alors de conformation pour échapper au médicament qui en bloque le fonctionnement (par exemple dans le VIH, mutations sur le gène de l’intégrase, enzyme essentielle au fonctionnement d’une étape clé de réplication du virus, lui permettant d’échapper à l’action des inhibiteurs d’intégrase). C’est le cas avec la polymerase du SARS-CoV2 sur laquelle agit un médicament comme le remdesivir et qui en changeant de conformation suite à une mutation du gène de la polymérase, va diminuer de façon considérable l’action antivirale de cette molécule. Cet échappement par pression de sélection thérapeutique s’est aussi vu lors de traitement par plasma de convalescent Covid utilisé au Royaume-Uni chez des patients immunodéprimés avec une réplication virale chronique, chez lesquels une quantité insuffisante d’anticorps anti-SARS-CoV-2 ont été apportés par transfert d’immunité passive.
Un variant Indien qui interroge
Un autre mécanisme semble toutefois prépondérant actuellement, en particulier dans les populations où le virus circule librement et à haut niveau : la pression de sélection par échappement au système immunitaire de l’hôte. Ce phénomène est bien décrit avec le virus de l’hépatite B qui développe des mutations sur la partie pré-C du gène C, inhibant ainsi la synthèse de l’antigène HBe alors même que le virus continue de se répliquer, ou encore sur le gène S, avec production d’un antigène S muté pouvant théoriquement échapper aux anticorps anti-S induits par la vaccination.
Dans le SARS-CoV2, ces mutations d’échappement immunitaire ont donné naissance à ces fameux variants VOC (variant of concern), VOI (variant of interest) ou encore VUI (variant underinvestigation), dont on surveille la propagation avec des yeux épouvantés car certains sont porteurs de bien mauvaises nouvelles : autant la plupart des variants n’ont pas d’impact clinique ou épidémiologique (c’est le cas par exemple du variant dit « Marseillais » rapporté à grand bruit en septembre 2020 et aussi vite oublié), autant certains responsables d’une plus grande transmissibilité, comme le variant UK (B.1.1.7), avec sa mutation principale en position 501, ou encore les variants Sud-Africain (B.1.351) ou Brésilien (P. 1) avec en sus de la mutation en position 501, une autre mutation d’intérêt en position 484 et pour ce dernier, une troisième en position 417. Ces deux dernières inquiètent tout particulièrement car elles pourraient conférer une diminution de sensibilité à la vaccination et aux anticorps monoclonaux ou polyclonaux. En ce qui concerne le fameux variant « Indien » qui fait actuellement la Une des médias, il présente des caractéristiques pas totalement élucidées : il existe des mutations principales en position 484, 452 et 681, toutes au niveau de la protéine spike, mais pas la mutation 501. Ce virus s’est répandu relativement lentement en Inde, ce qui en fait actuellement un VUI plus qu’un VOI ou qu’un VOC car à ce jour, il n’a pas été possible de déterminer s’il est plus transmissible que les variants originels ni plus pathogénique : en effet, impossible pour l’instant de faire la part des choses en Inde entre le relâchement des mesures barrières après des mois de restriction, la dissémination du virus à l’occasion des brassages de population induits par des fêtes religieuses ou un vrai « effet virus » délétère.
Vivre avec un tel virus nous fait courir à la catastrophe
Dans tous les cas, nous devons tirer plusieurs leçons de l’émergence à l’étranger de ces variants qui risquent de se recombiner pour donner des souches clairement inquiétantes. La première est qu’essayer de vivre avec un virus qui poursuit sa transmission à haut niveau comme c’est le cas actuellement en France (premier pays européen en termes de nouveaux cas quotidiens…) nous fait clairement courir vers la catastrophe. La deuxième, découlant de l’injonction contradictoire issue de la première et de l’impossibilité de continuer à vivre reclus, impose d’accélérer le déploiement de la seule arme à notre disposition pour couper la chaîne de transmission, l’immunisation par la vaccination. Avant de perdre la bataille des variants, il est donc grand temps en mai d’ouvrir la vaccination à tous ceux qui souhaitent se protéger, geste altruiste qui protège également les autres, décision indispensable pour « virer le virus »*.
* Allusion à la campagne de l’ARS Pays de Loire avec l’agence LMWR, initiative vers les jeunes https://lmwr.fr/news/ensemble-virons-le-virus-lars-sensibilise-les-jeun…
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