« Nous soupçonnions qu'une charge virale plus élevée du SARS-CoV-2 serait corrélée à une évolution moins bonne, y compris à la probabilité de décès. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes lancés dans la tâche très laborieuse d’analyser les charges virales de nos patients (n = 1 145) et nous les avons associées aux données cliniques », explique au « Quotidien » le Pr Carlos Cordon-Cardo, directeur du département de pathologie et de médecine moléculaire et cellulaire au Mount Sinai à New York, qui a dirigé une étude encore en prépublication sur le site medRxiv.
Des études plus petites avaient donné des résultats équivoques, il était donc important d’étudier une large cohorte de patients et cela ne pouvait être possible que dans un hôpital à l'épicentre de la pandémie. « À notre connaissance, il s'agit du premier rapport robuste et statistiquement significatif d'une charge virale plus élevée chez les patients hospitalisés qui entraîne une probabilité de décès plus élevée. Ce résultat, bien que non surprenant à bien des égards, sert de plateforme et de justification pour déployer plus largement les tests PCR quantitatifs et cela motivera des recherches supplémentaires qui nous permettront d’être plus aptes à offrir les meilleurs soins à nos patients », ajoute le spécialiste américain.
Identifier très tôt les sujets à haut risque
Cette étude prospective menée parmi 1 145 patients hospitalisés pour Covid-19 au Mount Sinai de New York (entre le 13 mars et le 4 mai) et dont le prélèvement nasopharyngé à l’admission détectait le coronavirus SARS-CoV-2 à la fois par le test PCR Roche, qualitatif, et le test PCR développé au laboratoire du Mount Sinai, quantitatif. À la fin de l’étude, 30 % étaient décédés ; les charges virales (log10) nasopharyngées s’élevaient en moyenne à 5,19 copies/ml pour les patients en vie, comparé à 6,44 copies/ml pour les autres.
La charge virale nasopharyngée s’avère significativement associée à la mortalité, même après ajustement pour divers facteurs de risque (âge, sexe, ethnie, asthme, fibrillation atriale, maladie rénale chronique, pneumopathie chronique obstructive, insuffisance cardiaque, hypertension, accident vasculaire cérébral). De plus, les patients dont la charge virale nasopharyngée est supérieure à 5,557 copies/ml ont un plus grand risque de décéder que ceux ayant une charge virale inférieure.
« La charge virale devrait être utilisée pour identifier les patients à haut risque qui pourraient demander des soins plus agressifs et elle devrait être incluse en tant que biomarqueur clé dans le développement des algorithmes prédictifs », concluent les chercheurs. Néanmoins, il est encore trop tôt pour savoir dans quelle mesure la charge virale accroît la mortalité par rapport aux autres facteurs de risque. « Il nous faudra analyser d’autres co-variables dans une population plus diverse incluant également des patients n’ayant pas besoin d’être admis à l’hôpital », précise le Pr Cordon-Cardo.
Élaborer des algorithmes
Les scientifiques travaillent à l’élaboration d'algorithmes capables de produire des scores de risque individualisés en tenant compte de toute l’information disponible. Pour cela, l'équipe dit disposer d’une base de données importante et grandissante, bien documentée sur le plan clinique, utilise des approches d’apprentissage automatique. « L'objectif sera d’apporter une aide aux cliniciens pour décider quel patient doit être admis à l'hôpital ou peut en toute sécurité se rétablir à domicile et quel patient pourrait bénéficier au mieux de certains traitements et interventions comme les antiviraux, les anticoagulants, les médicaments anti-inflammatoires, le plasma de patients guéris », laisse-t-il entrevoir.
Le test PCR quantitatif est-il plus cher et réalisable dans tous les hôpitaux ? « La question du coût est complexe, explique le Pr Cordon-Cardo. Elle dépend de la plateforme à laquelle on la compare et si on considère le coût du capital initial pour investir dans l'équipement ou bien le coût des réactifs ou du personnel par test ». Pour le chercheur, le plus grand défi est qu'actuellement, « le test PCR quantitatif développé en laboratoire est de faible débit et prend du temps, ce qui limite davantage la large adoption de cette méthode plutôt que le coût ».
Avant d'ajouter : « mais il est important de noter que de nombreuses plateformes de test SARS-CoV-2 à haut débit et d’échelle commerciale le réalisent en utilisant la même technologie de base et pourraient donc être modifiées de manière minime pour quantifier la charge virale. Avec de bons partenariats entre hôpitaux et industrie, un changement pourrait s'opérer vers des tests entièrement quantitatifs ».
E. Pujadas et al., pré-print, medRxiv, 2020, 10.1101/2020.06.11.20128934
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