« À l’horizon 2050, le nombre de décès par sepsis risque de tripler du fait du vieillissement de la population », prédit le Pr Djillali Annane (service de médecine intensive-réanimation à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, AP-HP). Aujourd’hui déjà, le sepsis toucherait selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) chaque année 50 millions de personnes (dont 45 % d’enfants de moins de 5 ans) et serait responsable d’un décès sur quatre dans le monde (600 000 en Europe), sans parler des séquelles psychiques et motrices lourdes chez un survivant sur deux.
Pour mieux comprendre cette complication des infections, marquée par une perte du contrôle de l’inflammation conduisant à l’atteinte des fonctions vitales, l’institut hospitalo-universitaire (IHU) Prometheus a été lancé le 17 septembre 2024 par l’Université Paris-Saclay, le CEA, l’AP-HP, l’Inserm et leurs partenaires. Ce premier centre mondial, financé à hauteur de 40 millions d’euros dans le cadre de France 2030, allie recherche, formation et soins. L’ambition : réduire de moitié, dans les dix ans, la mortalité et les séquelles causées par le sepsis.
L’IHU, qui fédère plus de 60 équipes de recherche, se donne pour objectif de mieux comprendre les interactions moléculaires et cellulaires entre l’hôte et les pathogènes. Pour éclairer les répercussions sur le long terme, y compris sociales et économiques, il devrait monter une cohorte longitudinale de 10 000 patients suivis sur dix ans. Par ailleurs, l’IHU entend valider et commercialiser une plateforme de tests rapides diagnostiques pour caractériser finement à l’échelle individuelle la réponse de l’hôte à l’infection. Des jumeaux numériques devraient permettre d’anticiper la réponse de chaque sujet aux différents traitements. Enfin, l’IHU veut développer de nouveaux traitements (petites molécules innovantes, nanomédicaments, biothérapies, vaccins) et des stratégies modulant les microbiotes.
Vers une harmonisation des pratiques à l’échelle européenne
Dans le même temps, le Pr Djillali Annane a participé avec le consortium Sepsis Stronger Together à la rédaction d’une tribune publiée dans le Lancet (1) appelant à un plan d’actions européen pour harmoniser les pratiques sur celles des pays du Nord. « Les Anglais ont cinq à dix ans d'avance sur nous, les Suédois et les Allemands ont aussi mis en place des mesures qui commencent à influencer favorablement les choses », explique le Pr Annane. Ces initiatives nationales restent cloisonnées, les pays du sud et de l'est de l'Europe étant, au contraire, très en retard. Selon des sondages micro-trottoir, 95 % des Britanniques, qui ont bénéficié de campagnes de communication nationales, savent ce qu'est un sepsis, contre 7 % des Français.
Les professionnels de premier recours doivent être mieux formés aux symptômes et aux premiers signes devant inciter à prendre en charge le patient avant que la pathologie ne soit trop avancée, demande le Pr Annane. La Haute Autorité de santé doit d'ailleurs publier début 2025 des recommandations sur le diagnostic et la prise en charge du sepsis par les médecins de premier recours. « Les médecins généralistes ont l'impression que le sepsis est un problème de réanimateur, ce qui est faux : 80 % des sepsis commencent en ville », affirme le directeur de l’IHU.
Et de rappeler les symptômes devant alerter : la baisse de la pression artérielle systolique en dessous de 100 mmHg, l'augmentation de la fréquence respiratoire au-dessus de 22 cycles par minute et un état d’obnubilation ou de confusion. Quand au moins deux de ces trois critères existent chez un patient avec une infection, il peut être considéré à très haut risque de développer un sepsis. Il convient alors de joindre rapidement le Samu.
Les futures recommandations devraient aussi s’intéresser à la prise en charge des séquelles. Parmi les handicaps consécutifs à un sepsis, les plus fréquents sont les troubles cognitifs sévères, les atteintes musculosquelettiques, les paralysies et les troubles respiratoires ou encore l’insuffisance rénale avec mise sous dialyse. « Les recommandations à paraître disposent d'un volet sur les programmes de réhabilitation précoces structurés qui permettraient de réduire ces séquelles en durée et en intensité », précise le Pr Annane.
Les espoirs s’orientent enfin du côté des vaccins, alors que dans 85 % des cas, le sepsis est lié à l’une de ces cinq bactéries, Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus ou Streptococcus pneumoniae. Une vaccination est déjà possible contre le pneumocoque et un vaccin contre Escherichia coli devrait être prochainement disponible. Sans oublier les vaccins contre la grippe et le VRS, à l’origine de beaucoup de sepsis évitables.
(1) K. Bracke et al., The Lancet, 2024, volume 404, n° 10462 p1517-1518
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