Et si le cinéma pouvait nous éclairer sur l’état d’esprit actuel de la population et nous aider à comprendre nos représentations d’une crise épidémique et nos imaginaires collectifs ? Dans « JAMA Network Open », un chercheur de l’école de médecine du Nouveau Mexique aux États-Unis s’est penché sur un siècle de représentations de la menace épidémique portées sur grand écran.
À travers une sélection de 80 films sortis en salle de 1914 à nos jours, il explore l’évolution des peurs et des espoirs accompagnant les épidémies et dégage une série de thèmes récurrents, reflet de nos perceptions.
De la menace venue de l'espace à l'effondrement environnemental
L’auteur constate d’abord que les récits proposés reflètent les préoccupations d’une époque. Les films datant d’avant 1957 s’attachent par exemple à mettre en scène « l'héroïsme désintéressé des professionnels de la santé », du médecin qui teste un vaccin sur lui-même (« The Green Light », 1937) à celui qui met en danger son mariage pour s’investir dans la lutte contre le choléra (« The painted Veil », 1934).
Après 1957, année marquant le début de la course à l’espace, c’est la menace de microbes venus de l’espace qui hante les écrans. « Ces infections exotiques menaçaient notre confiance retrouvée dans les antibiotiques », souligne l’auteur, rappelant que si ces craintes nous semblent aujourd’hui relever du fantastique, les astronautes d'Apollo étaient, jusqu’en 1970, mis en quarantaine pendant les 3 semaines suivant leur retour sur terre.
Cette époque est également celle de la première représentation d’une propagation mondiale d’une pandémie : dans le film « Space Master X-7 » (1958), on suit notamment le parcours d’une femme contaminée prenant le train pour Los Angeles puis un avion pour Honolulu et diffusant l'infection.
Les productions hollywoodiennes des années 60 et 70 reflètent l’émergence des préoccupations écologiques de l’époque avec des descriptions quasi apocalyptiques d’une destruction de l’environnement (de « Beyond the Time Barrier » en 1960 à « The Omega Man » en 1971), tandis que les années 80 offrent les premières représentations de la pandémie du VIH, avec notamment, à la fin de cette période, « Philadelphia » (1993).
À partir des années 2000, les films offrent des perspectives plus sombres, montrant des paysages post-apocalyptiques et des populations de morts-vivants.
Des thèmes récurrents, reflet de nos craintes collectives
Malgré ces évolutions, plusieurs thèmes apparaissent récurrents. Celui du soignant isolé et prêt à tous les sacrifices apparaît très tôt, mais est loin d’être le seul. Le thème de l’infection qui transforme les individus en une entité inférieure à l’humanité (les zombies par exemple) est le plus récurrent dans la filmographie étudiée. « Les infectés craignent souvent la perte de leur humanité plus que la perte de la vie, comme en témoignent les demandes de mise à mort après l'infection plutôt que de subir une transformation », précise l’auteur prenant notamment l’exemple de « Day of the Dead » (1985).
Les actes de guerre biologique sont également présents depuis la seconde guerre mondiale. Parfois apocalyptiques, ces récits dépeignent une pandémie due à la malfaisance humaine ou à l’orgueil d’un individu. Ils peuvent aussi décrire l’incapacité de gérer un agent infectieux créé en laboratoire (« I am Legend » - 2007).
Autre thème récurrent, la défiance à l’égard des dirigeants ou des institutions est illustrée dans plusieurs narrations hollywoodiennes à travers le questionnement éthique de décisions politiques. C’est le cas notamment quand un récit aborde le thème d’une recherche contraire à l’éthique, avec par exemple une arme biologique militaire testée sur la population (« Warning Sign » - 1985).
C’est également le cas quand les films détaillent des méthodes contraires à l’éthique, appliquées pour répondre à la crise. L’auteur cite ainsi « The Cassandra Crossing » (1976), dans lequel « des soldats soudent des plaques métalliques sur les fenêtres et les portes d'un train, piégeant les personnes exposées à la peste à l’intérieur », et « 28 Weeks later » (2007), qui met en scène des soldats tirant indistinctement sur une foule de personnes infectées et non infectées pour préserver le confinement.
La stigmatisation des malades, également abordée, reflète, selon l’auteur, « l’ostracisme » qui s'opère dans la société pendant les flambées infectieuses. Les disparités de santé, souvent mises en scène, témoignent de la perception d’un accès privilégié et réservé à certains aux services de santé.
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