Les Hospices civils de Lyon tentent de relancer la production d'un antifongique pour les patients greffés

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Publié le 22/06/2022
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Crédit photo : S.Toubon

En fabriquant eux-mêmes un médicament devenu inaccessible, les Hospices civils de Lyon (HCL) affirment avoir sauvé la vie de 27 patients dans toute la France, et cherchent maintenant un moyen de pérenniser cette production.

Tout commence à l’automne 2020. Les équipes du service d’hépatologie, gastroentérologie et nutrition pédiatriques de l’hôpital Femme Mère Enfant de l'hôpital Édouard-Herriot (au sein des HCL) sont confrontées au cas d'un jeune patient de 15 ans, greffé du foie en juin et présentant des troubles du transit à répétition. La Dr Noémie Laverdure, cheffe du service, et la Dr Meja Rabodonirina, biologiste spécialisée en parasitologie, mettent en évidence une infection fongique par un Enterocytozoon bieneusi, favorisée par la déficience immunitaire du patient.

Recette chinoise et ingrédients hongrois

Ce champignon, de la famille des microsporidies, provoque des diarrhées sévères pouvant engager le pronostic vital, et le seul traitement efficace chez les patients immunodéprimés, la fumagilline, n'est plus produit depuis 2019. Faute de mieux, les médecins ont prescrit un traitement suspensif contre les diarrhées, puis se sont adressés au centre national de référence des microsporidioses et à Fripharm, la plateforme hospitalo-universitaire de fabrication, de recherche et d'innovation pharmaceutique implantée au sein de la pharmacie de l’hôpital Édouard-Herriot.

Ensemble, ils mettent la main sur 300 g de principe actif localisés en Hongrie et récupèrent les procédés de fabrication auprès de laboratoires chinois, indiens et européens. La suite est délicate : la très instable matière première retrouvée en Hongrie doit être stockée à -80 °C pendant le transport et doit être protégée de la lumière à tout moment.

Les pharmaciens lyonnais parviennent tout de même à fabriquer un médicament personnalisé sous la forme d’une suspension buvable conditionnée dans un flacon en verre. En août 2021, un an après les premiers symptômes, l’adolescent est enfin traité. Quinze jours plus tard, ses symptômes s'estompent enfin.

L'histoire ne s'arrête pas là. La nouvelle se répand, et 26 autres patients venant de toute la France sont adressés à Lyon. Un million d’euros est investi pour poursuivre la fabrication, permettant à chaque malade de recevoir des doses personnalisées. Récemment, Fripharm a été contacté par un hôpital aux Pays-Bas qui sera bientôt livré grâce à un accord conclu avec entre l'agence du médicament (ANSM) et l’agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes.

À la recherche de solution pour relancer la production

La production du médicament s'arrêtera-t-elle avec la fin des 300 g de principe actif hongrois ? L’équipe de Fripharm s’est mise en quête d’une start-up capable de l’accompagner dans la fabrication de fumagilline. Le coût de lancement de la production, évalué à près d’un million d’euros, ne pourra être financé que par une aide extérieure.

« La fumagilline que nous avons réussi à recréer au sein des HCL revêt une importance cruciale, insiste la Dr Rabodonirina. Sans ce remède, les patients immunodéprimés, dont l’ensemble des patients greffés, victimes de microsporidies n’ont presque aucune chance de s’en sortir. Il faut trouver une solution par tous les moyens, que ce soit auprès des autorités publiques ou du secteur privé. Il est impensable de ne pas sauver des patients alors que nous savons comment faire. »

HCL

Source : lequotidiendumedecin.fr