Paludisme : des moustiques génétiquement modifiés pour enrayer l’épidémie

Publié le 07/12/2015

Crédit photo : PHANIE

Dans une lettre publiée ce lundi dans « Nature Biotechnology », une équipe de chercheurs de l’Imperial College de Londres explique comment ils sont parvenus à modifier génétiquement une espèce d’anophèle afin de la rendre infertile. Le paludisme a infecté plus de 200 millions de personnes en 2014, causant 430 000 décès selon l’OMS, dont plus de 90 % en Afrique subsaharienne.

Provoquer génétiquement la stérilité chez l’anophèle

L’expérience décrite visait directement le vecteur du paludisme, l’anophèle femelle. Les chercheurs ont utilisé une technique de recombinaison génétique capable d’augmenter le portage d’un gène d’infertilité chez des anophèles gambia (une des espèces d’anophèle sévissant en Afrique subsaharienne).

Ceci était rendu possible par le système de « gene drive », qui permet de déléter une séquence ADN déterminée en la remplaçant par une autre, permettant ainsi de substituer l’allèle d’un gène à un autre. Dans l’étude, l’allèle habituel lié à une fertilité normale était ainsi délété et remplacé par un allèle récessif aboutissant à l’infertilité chez les femelles homozygotes.

À partir de la population « mère » génétiquement modifiée, les chercheurs ont ainsi réussi à augmenter le portage de cet allèle codant l’infertilité (hétéro- et homozygote confondu) à 75 % des femelles porteuses dans les générations filles. Ceci entraînait une réduction importante de leur capacité globale à se reproduire, qui restait cependant suffisante pour entretenir la dissémination de l’allèle.

Toucher directement au réservoir de la maladie

La lutte anti-vectorielle est un pilier de la prévention du paludisme, et repose actuellement essentiellement sur l’usage de la moustiquaire et des produits répulsifs, ce qui comporte de nombreuses contraintes en termes d’organisation et de coût. Cette étude s’intéresse à la diminution directe du réservoir de la maladie, ce qui présenterait l’avantage d’être une action à faible coût, et n’impliquant pas de contraintes organisationnelles à l’échelle des populations.

L’anophèle gambia ne représente qu’une espèce d’anophèle parmi des dizaines d’autres présentes sur le continent africain, mais ces travaux constituent une innovation importante. Pour les auteurs, « ils ouvrent la voie à des études ultérieures, en permettant de mieux comprendre le fonctionnement des anophèles, afin de développer à terme de nouvelles armes contre le paludisme ». Ils précisent cependant que passer du stade expérimental au développement d’interventions concrètes pourrait prendre au moins 10 ans.

Dr Clélia Delanoë

Source : lequotidiendumedecin.fr