La prophylaxie pré-exposition (PrEP) en prise à la demande est-elle aussi efficace qu'en prise continue ? L'étude ANRS-Prévenir confirme que oui dans une récente étude parue dans le « Lancet HIV ». Le Pr Jean-Michel Molina, qui a dirigé l'étude, avait présenté des résultats intermédiaires lors de la Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections (Croi) 2021. L'essai ANRS-Ipergay, dont les résultats ont été publiés en 2015 dans le « New England Journal of Medicine », est le premier à avoir démontré l'intérêt d'une prise à la demande.
L'étude de cohorte observationnelle prospective Prévenir a porté sur 3 056 participants (d'âge médian de 36 ans), inclus entre mai 2017 et mai 2019, venant de 26 sites en région parisienne, où le nombre d'infections annuelles est particulièrement important.
Parmi eux, 98,7 % étaient des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et 1,3 % étaient des femmes transgenres ayant des relations sexuelles avec des hommes. Tous présentaient un risque élevé d’infection par le VIH. À l’inclusion, les participants prenaient déjà quotidiennement la PrEP ou bien la commençaient.
Trois infections au VIH dans chaque groupe
Les comprimés de PrEP prescrits associent 245 mg de ténofovir disoproxil et 200 mg d'emtricitabine. Les participants étaient libres de choisir s'ils souhaitaient les prendre quotidiennement ou selon le schéma à la demande, c’est-à-dire avant et après les rapports sexuels. À l'inclusion, ils sont 50,5 % à avoir opté pour la première solution. Ils avaient la possibilité de changer de régime au cours de l’étude.
« Avec une répartition quasi égale et constante entre le groupe PrEP quotidienne et le groupe PrEP à la demande au fil du temps et des changements de régimes des participants, cette étude met en lumière la proportion de HSH intéressés par l'utilisation à la demande, est-il souligné dans un communiqué. Un nombre important de participants sont passés d’un régime à l’autre afin d'adapter l'utilisation de la PrEP à leurs besoins. »
Tous les trois mois, les participants étaient testés pour le VIH. L'adhésion à la PrEP était évaluée par autodéclaration et par les concentrations de diphosphate de ténofovir retrouvées dans des gouttes de sang séché.
Au cours d'un suivi médian de 22,1 mois, six infections au VIH-1 ont été rapportées, trois dans chaque groupe, soit 1,1 cas pour 1 000 personnes-années. Tous avaient arrêté la PrEP quelques semaines ou mois avant le diagnostic. Ainsi, « les chercheurs ont estimé que 361 infections ont été évitées, en se basant sur le nombre d’infections par le VIH sans recours à la PrEP du groupe placebo de l’étude ANRS-Ipergay ».
Par ailleurs, seuls quatre participants (deux dans chaque groupe) ont arrêté la PrEP à cause d’effets indésirables (nausées, vomissements, diarrhée, douleurs lombaires).
Ont été rapportés également 43 cas d’hépatite virale (majoritairement des hépatites C) et des infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes (chlamydia, gonorrhée, Mycoplasma genitalium, syphilis). « Le nombre de rapports sexuels sans préservatif rapporté dans cette étude pourrait expliquer ces cas d'IST. Il faudra prendre cela en compte dans de futures études », souligne le Pr Molina. La prolongation de la cohorte ANRS-Prévenir pour cinq ans permettra notamment la mise en place d'un essai sur la prévention des IST bactériennes, lit-on dans le communiqué.
Cibler d'autres groupes à risque
« La PrEP orale avec le ténofovir disoproxil et l'emtricitabine à la demande est une alternative efficace et sûre à la PrEP quotidienne chez les HSH et offre un plus grand choix dans la prévention du VIH, indique le Pr Molina. Cependant, les HSH ne représentent que 43 % des nouveaux diagnostics de VIH en France. Il est donc crucial de poursuivre les recherches pour évaluer ce régime à la demande dans d'autres groupes à haut risque et avec différentes combinaisons de molécules antirétrovirales. »
Aujourd'hui, si l'intérêt de la PrEP est bien démontré, son déploiement peine encore à décoller, la crise sanitaire liée au Covid ayant entraîné un recul dans sa mise en œuvre qui prévoit un élargissement des populations cibles. À noter que tous les médecins, y compris les généralistes, peuvent réaliser une prescription initiale de PrEP depuis le 1er juin 2021.
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