On constate en France comme dans d’autres pays une augmentation du taux de résistance aux antibiotiques des bactéries impliquées dans les infections urinaires.
Des résistances bactériennes en développement
Il s’agit essentiellement d’E. coli (environ 75 à 80 % des cas), mais aussi de Proteus et de Klebsielles et autres entérobactéries. Le principal facteur de risque de résistance est l’exposition antérieure aux antibiotiques. Ainsi la prise de fluoroquinolones majore le risque de résistance à ces antibiotiques pendant 6 à 12 mois. Les résistances se développent dans le microbiote digestif. Actuellement les taux de résistance d’E. coli sont les suivants : amoxicilline 45 %, amoxicilline + acide clavulanique 30 %, C3G 5 %, aminosides 5 %, cotrimoxazole 25 %, fluoroquinolones 3 à 6 % pour les cystites simples, jusqu’à 25 % pour les pyélonéphrites aiguës compliquées. La résistance à la fosfomycine-trométamol, au pivmécillinam et à la furadatine est de moins de 5 %. La résistance dépend aussi du terrain et du contexte clinique et est plus importante dans les infections compliquées ou à risque de complication. La résistance aux fluoroquinolones a inexorablement augmenté au cours des 20 dernières années. Nous sommes confrontés de plus en plus fréquemment à des bactéries multirésistantes, dont les entérobactéries productrices de bêtalactamase à spectre étendu (EBLSE). Si elles sont plus fréquentes dans les urines de sujets hospitalisés, ou ayant consommé des antibiotiques récemment, ou encore porteurs de sonde à demeure, on les trouve également dans la population communautaire.
Prendre en compte les recommandations et le terrain
Les recommandations élaborées en 2014 par l’AFU, la société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et d’autres sociétés savantes sont un outil précieux d’aide à la gestion des infections urinaires. Le choix du traitement repose sur la sensibilité du germe mais aussi sur le site de l’infection et doit tenir compte de la pénétration tissulaire, empêchant d’utiliser certains antibiotiques qui paraissaient parfaits sur le papier… Enfin le terrain est à prendre en compte. Dans la mesure du possible mieux vaut attendre les résultats de l’antibiogramme pour prescrire. Si l’urgence impose un traitement probabiliste, il faut choisir le bon, adapté aux données épidémiologiques récentes et surtout le réévaluer après obtention de l’antibiogramme pour une désescalade éventuelle. Celle-ci vise, entre autres, à minimiser la pression de sélection et à épargner les molécules précieuses.
L’urologue a un rôle essentiel dans le bon usage des antibiotiques. Il doit s’efforcer de prescrire conformément aux recommandations les plus récentes, mais il doit en plus expliquer cette démarche aux médecins généralistes et également aux patients pour les convaincre du bien-fondé du traitement qu’il prescrit. Nous avons certes une responsabilité quant au traitement individuel, mais également une responsabilité collective quant à la gestion de l’écologie bactérienne.
Chirurgien urologue à l'hôpital de Versailles et responsable du comité d’infectiologie de l’association française d'urologie (AFU)
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