Après deux années (2020 et 2021) de faible incidence des infections invasives à méningocoque (IIM), en raison des mesures de lutte contre le Covid, les cas sont repartis à la hausse en 2022, avec un pic « précoce et élevé » en décembre. Alors que la Haute Autorité de santé (HAS) a entamé une révision de la stratégie vaccinale, Santé publique France (SPF) invite à la plus grande vigilance pour la saison hivernale à venir.
Dans un bilan annuel publié le 16 octobre*, l’agence sanitaire revient sur l’« évolution notable de l’épidémiologie » des IIM en 2022 et dans les premiers mois de 2023. Parmi les 323 cas d’IIM (0,48/100 000 habitants) recensés en 2022, dont 36 décès (létalité estimée à 11 %), les méningocoques de sérogroupe B étaient majoritaires (50,3 %), suivis par les sérogroupes Y (24,5 %) et W (20,4 %).
Les tranches d’âge concernées variaient selon le sérogroupe, « avec en particulier une part importante des IIM B et W chez les nourrissons, des IIM B et Y chez les 15-24 ans, et des IIM Y et W chez les 60 ans et plus », lit-on. Les cas d’IIM W, associés à une létalité plus importante (19 %, et même 31 % chez les 25-59 ans), ont touché principalement les nourrissons âgés de moins de 1 an.
Des cas groupés d'IIM B chez les jeunes
Pour le sérogroupe B, si toutes les classes d’âge ont été affectées, le rebond le plus important a été observé chez les 15-24 ans. Des phénomènes épidémiques et d’hyperendémie chez les jeunes adultes ont été observés dans certaines régions.
En Auvergne Rhône-Alpes, une nouvelle souche de méningocoque B, la souche ST-3753, apparue en 2021, a été à l'origine de 16 cas entre septembre 2021 et décembre 2022, dont 15 cas chez des 16-22 ans. Le centre national de référence (CNR) des méningocoques et Hæmophilus influenza confirme que cette souche est couverte par le vaccin Bexsero, indique la HAS.
Un deuxième épisode de cas groupés a également été identifié à Strasbourg et dans le Haut-Rhin, avec 6 cas (dont 5 ayant touché des jeunes adultes) d'IIM B causés par la souche cc269, également couverte par le vaccin Bexsero.
Par ailleurs, les cas d’IIM W liés à la souche ST-9316 ont également connu une expansion géographique en 2021-2022. Associée à une létalité élevée (55 %), cette souche était jusqu’ici plutôt implantée dans les Hauts-de-France entre 2015 et 2018.
Deux hypothèses sont avancées pour expliquer le rebond des IIM. Un risque accru d’infection pourrait résulter d’une immunité diminuée dans une population moins exposée du fait des mesures de lutte contre le Covid (gestes barrières, distanciation sociale). La deuxième hypothèse est liée à l’ampleur des épidémies d’infections virales respiratoires saisonnières en 2022-2023 : « les infections par le virus de la grippe pourraient faciliter la colonisation du rhinopharynx par le méningocoque et accroître le risque d’infection invasive », est-il relevé. Des travaux ont déjà décrit la corrélation temporelle entre les épidémies grippales et les pics d’incidence des IIM.
Vers l'intégration d'un vaccin tétravalent ?
Cette situation épidémiologique a conduit la Direction générale de la santé (DGS) à saisir la HAS en avril 2023 pour évaluer la pertinence d’actualiser les recommandations vaccinales contre les IIM des sérogroupes ACWY et B, en particulier chez les nourrissons, les adolescents et/ou les jeunes adultes.
Seront notamment analysées : la pertinence d’un vaccin tétravalent contre les méningocoques ACWY chez les nourrissons, les adolescents et/ou les jeunes adultes et celle d’un élargissement du vaccin anti-méningocoque B aux adolescents et/ou aux jeunes adultes, explique la HAS, dans une note de cadrage, publiée en septembre 2023.
Avant la pandémie, d’autres pays ont été confrontés à une augmentation des cas d'IIM W et ont introduit les vaccins ACWY dans leur calendrier vaccinal (Angleterre en 2015 chez les adolescents de 13-14 ans, et Pays Bas en 2018 chez les nourrissons de 14 mois et les adolescents de 14 ans). « L’impact sur l’incidence des IIM W a été décrit avec des diminutions importantes dans les cohortes ciblées par la vaccination (impact direct) mais également dans les cohortes non vaccinées (impact indirect) », souligne SPF. Ces données seront prises en compte dans la réévaluation.
Pour l’heure, la vaccination contre les IIM C est obligatoire pour tous les enfants nés à compter du 1er janvier 2018 (une dose à 5 mois, ainsi qu’une deuxième dose à 12 mois). Elle est également recommandée, selon un schéma à une dose unique, pour les enfants et jeunes adultes (de 1 à 24 ans) n’ayant pas reçu de primovaccination.
Contre les IIM B, la vaccination avec Bexsero est recommandée chez l’ensemble des nourrissons (deux doses à M3 et M5, suivies d’un rappel à M12). La vaccination peut toutefois être initiée dès l'âge de 2 mois et avant l'âge de 2 ans, précise la HAS. Pour les personnes à risque élevé d’IIM (immunodépression) et leur entourage, la vaccination est aussi recommandée par un vaccin tétravalent conjugué ACWY et par un vaccin contre les IIM B.
La même prophylaxie s’applique autour d’un cas IIM A, C, W, Y ou dans le cadre de situations impliquant plus d’un cas spécifique d’IIM B. La conduite à tenir est décrite dans une instruction de la DGS du 27 juillet 2018.
* À partir des données de la déclaration obligatoire et du Centre national de référence (CNR) des méningocoques et Hæmophilus influenzae (situé à l’Institut Pasteur).
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024