L'Association française pour l'étude du foie (AFEF) interpelle le ministère des Solidarités et de la Santé sur la situation des patients atteints de cirrhose dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Dans un courrier daté du 13 octobre 2020, ils demandent à Olivier Véran une révision du décret 2020-1098 du 29 août 2020, afin que ce dernier identifie les patients cirrhotiques comme éligibles au droit au chômage partiel.
Une démarche qui prend tout son sens, alors qu'aujourd'hui même le Conseil d'État vient d'invalider les critères retenus dans le décret du 29 août, les jugeant ni cohérents, ni suffisamment justifiés par l'exécutif. Le décret émis cet été ne reconnaissait que quatre catégories de patients éligibles à l'indemnisation, dont ne faisaient pas partie non plus d'autres personnes à risque, notamment les insuffisants respiratoires chroniques ou encore les sujets obèses.
Il y a quelques jours, l'association SOS Hépatites et maladies du foie avait également lancé une alerte sur son site : « Il s’avère maintenant, comme on le craignait, que le Covid peut être dangereux pour les patients atteints d’une cirrhose, préviennent-ils. L’information, droit fondamental individuel de l’usager du système de santé, indépendamment de son état de santé, doit permettre aux malades de se protéger au mieux, de ne pas risquer de mourir du Covid-19, de faire des choix de vie et de se battre. »
L'association demande que les personnes cirrhotiques puissent accéder au dépistage de l'infection à SARS-CoV-2 de façon facilitée, ainsi qu'à des consultations spécialisées des maladies du foie le plus rapidement possible. Elle suggère aussi que les médecins généralistes, du travail et les équipes d’hépatologie soient également être informés de cette nouvelle réalité épidémiologique.
Un risque de décès lié au Covid quatre fois plus élevé
Dans son avis du 14 mars 2020, le Haut Conseil de santé publique avait déjà classé les patients atteints de cirrhose avec insuffisance hépatique (Child-Pugh B ou C) comme étant à risque de forme grave de Covid-19. La littérature scientifique a, depuis cette date, conforté ce positionnement. Plus récemment, de nouveaux résultats ont été communiqués lors du congrès de l'AFEF qui s'est achevé le 10 octobre. Ce sont ces nouvelles données qui ont poussé les deux associations à réagir.
Les résultats préliminaires nationaux de l’observatoire Covid et foie à l'initiative de l’AFEF ont ainsi été communiqués. Ils concluent à une prévalence d'infection accrue chez les patients cirrhotiques, avec un risque relatif de décès 4,03 plus élevé qu'en population générale et un risque de décès ou d'hospitalisation en réanimation de 2,59 plus élevés pour les patients classés Child-Pugh B ou C.
Une baisse des donneurs de 24 %
Le même jour, le Pr François Kerbaul, directeur du département Prélèvement Greffe organes - tissus au sein de l'Agence de la biomédecine a dressé un inquiétant tableau de la situation de la greffe de foie en France. Depuis le mois de février, l'activité de greffe de foie a diminué, comparée à 2019 : 243 en mars 2020 (contre 298 en mars 2019) 183 en avril 2020 (contre 303 en avril 2019) et 294 en mai 2020 (contre 336 en mai 2019). En tout, le nombre de donneurs prélevés a diminué de 24 % entre mars et août 2020 comparativement à la même période en 2019, tandis que le nombre de greffe a diminué de 19 %. Selon le Pr Kervault, le nombre de donneurs devrait baisser de 13 % entre 2019 et 2020.
« Contrairement à la greffe de rein qui a été mise en pause temporairement, les patients pouvant attendre en dialyse, les greffes de foie n'ont pas été interrompues, explique au « Quotidien » le Dr Pascal Mélin, président de SOS Hépatites et maladies du foie. Mais l'activité de prélèvement a été impactée par la baisse des accidents de la route et la liste d'attente s'est considérablement allongée. Une nouvelle période de confinement aurait des effets désastreux. »
Le Covid-19 plus mortel chez les malades du foie
Les patients atteints de maladies hépatiques ont également été durement touchés par le Covid-19, puisque l'Agence de la biomédecine recense 154 cas au 30 septembre 2020, dont 33 sur liste d'attente et 121 infections post-greffe. La létalité était très importante : 9,1 % chez les patients infectés sur liste d'attente et 17,4 % chez les patients infectés post-greffe.
À cela s'ajoutent les difficultés d'accès aux soins dans plusieurs régions. « Certains patients auraient dû avoir des chimioembolisations et ne les ont pas eus, d'autres n'ont pas bénéficié de l'échographie de suivi biannuelle de suivi, énumère le Dr Mélin. Tous les jours j'ai peur de tomber sur un hépatocarcinome détecter trop tard. »
Les données françaises sur l'infection à SARS-CoV-2 sont confirmées à l'international par une étude portant sur 386 patients atteints de cirrhose et 359 patients avec une maladie du foie non cirrhotique : l'augmentation de la mortalité était limitée aux patients cirrhotiques Child-Pugh B (risque multiplié par 4,14) et Child-Pugh C (risque multiplié par 9,32).
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024