Courrier des lecteurs

Une discrimination pas forcément positive pour les soignants

Publié le 03/04/2020

Les médias ne cessent de relayer des informations concernant le dévouement des soignants suite à leur implication dans la gestion du COVI-19. Pour ce faire, ils incitent nos concitoyens français à taper sur des casseroles, et à applaudir tous les soirs à 20 heures Un comportement pas très gratifiant pour les professionnels de santé !

Un tel mouvement fait chaud au cœur des professionnels de santé, mais est-il vraiment sincère ? Probablement pas, car nombreux sont ceux qui suivent cette consigne uniquement dans le cadre d’un désœuvrement engendré par le confinement obligatoire. D’autres effectuent ce geste par mimétisme en s’amusant du comportement du voisin.

Dans les faits, nous apprenons régulièrement que des pétitions rédigées par des locataires de résidences demandent le départ momentané de certaines infirmières vivant dans le même immeuble ; infirmières qui pourraient les contaminer.

Tout aussi intéressant le comportement des patients vis-à-vis de leurs praticiens. Certains refusent de venir dans les cabinets médicaux par peur de ressortir avec le coronavirus. Un collègue a même fait les frais de cette cabale allant à l’encontre du monde médical. Un patient a dans un premier temps refusé la visite trimestrielle (elle est nécessaire du fait d’une polypathologie) du fait des risques qu’il pourrait prendre suite à cette rencontre. Après avoir parlementé longuement, il a accepté de recevoir de manière rapide son médecin généraliste dans son garage, non sans le vilipender et l’accuser de non respect des mesures d’hygiène.

Son attitude est confortée par les annonces itératives permettant à ces patients de venir à la pharmacie (il est vrai que c’est un lieu stérile) pour renouveler leurs traitements sans consulter le médecin jusqu’au 15 avril.

Fausse empathie de nos dirigeants et de nos patients !

Et oui, les hauts fonctionnaires ont le même avis en ce qui concerne la contagiosité au sein des cabinets médicaux. Par ailleurs, il est difficile de comprendre le comportement de notre Président vis-à-vis des professionnels de santé. Il les félicite aujourd’hui, alors que durant des mois il a fait la sourde oreille aux revendications des urgentistes très mal à l’aise par rapport à leur situation.

Non, les médecins ne sont pas des héros des temps modernes ; uniquement une opportunité pour occuper la population qui regarde son nombril et les détourner des véritables préoccupations actuelles.

Notre Société est devenue très individualiste, et malheureusement il est possible que les stars du moment deviennent secondairement des têtes de turc accusées de contaminer les Français. Il est également possible qu’ils soient jugés responsables de la mauvaise gestion de la crise sanitaire actuelle. Il suffit pour cela de voir la réaction des patients qui ne comprennent plus les messages contradictoires des différents infectiologues ; contradictions qui mettent le monde médical quelque peu dans l’embarras. Ils n’acceptent pas l’incertitude qui peut régner dans le monde médical ; situation qui peut avoir des conséquences sur leur propre santé.

Restons sur nos gardes et confortons-nous par le fait que nous faisons notre devoir ; action que nombreux concitoyens ont probablement oubliée (surtout dans certaines administrations pourtant essentielles).

« L’honnêteté est une vertu qui se perd quand l’intérêt privé prime sur le collectif » Zeller S.

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Dr Pierre Frances, Médecin généraliste, Banyuls-sur-mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin