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« Acteurs extraordinaires du soin ordinaire » : au Congrès de la médecine générale, le Pr Paul Frappé électrise ses troupes

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Publié le 27/03/2025

Dans un amphi plein à craquer, le Pr Paul Frappé, grand ordonnateur du CMGF 2025, a exhorté ce jeudi les médecins généralistes à protéger leur spécialité des attaques politiques, au premier rang desquelles la proposition de loi Garot qui entend réguler l’installation des médecins de famille.

Crédit photo : Romuald Meigneux/PHANIE

Plus qu’une simple ouverture de congrès, les discours du Pr Paul Frappé sonnent toujours comme un programme politique aux oreilles des participants du congrès médecine générale France (CMGF). Devant ses ouailles réunies dans le grand amphithéâtre du palais des congrès de Paris, plein à craquer (le congrès affiche 5 000 inscrits, un record), le président du Collège de la médecine générale a été fidèle à sa réputation. Dans un discours de 15 minutes, le Pr Frappé a adressé quelques piques et rendu quelques coups, sans se départir d’une ironie mordante redoutablement efficace, tout en célébrant la spécialité de médecine générale.

Le généraliste, « servante écarlate »

Le médecin a fait part de son inquiétude sur le déplacement, à l’œuvre dans la sphère politique, de la fenêtre d’Overton, métaphore qui désigne l'ensemble des idées que l’on retrouve à un moment donné dans le débat public sans que l’opinion ne les frappe d’opprobre. Que l’IVG et l’euthanasie bénéficient de ce mouvement, fort bien. Que les « partisans des politiques en dehors de la fenêtre d’Overton » en profitent pour faire passer certains messages délétères, c’est non. Car, a insisté le Pr Frappé, « quels sont donc leurs messages ? Qu’il n’y a pas de compétences propres à acquérir pour exercer la médecine générale ; que le généraliste ne sert à rien sinon à copier des ordonnances ; qu’il est socialement acceptable de casser du médecin généraliste, qui doit être asservi telle une servante écarlate devant la religion du populisme ».

La régulation partielle à l’installation défendue dans la proposition de loi Garot, texte explosif examiné au Parlement, est le dernier exemple de cette offensive. Or, le seul argument des avocats de cette mesure est d’être « moins pire que les autres mesures coercitives proposées jusqu’ici, c’est dire », a taclé le médecin, déclenchant une salve de rires et d’applaudissements.

Avoir conscience des attaques politiques qui visent de plus en plus la médecine générale réclame en miroir de prendre conscience de sa valeur pour mieux la défendre. Jamais construite « sans les autres ni contre les autres », la spécialité agit comme un « régulateur primordial pour la stabilité et la pérennité [d’un] système de santé » en pleine surchauffe. « Nous sommes le lithium du peuple dans un système devenu bipolaire, a lancé le Pr Frappé à ses troupes, ravies. Nous atténuons d’un côté une surconsommation de soins attisée par l’hyper-information et les certificats [à outrance, NDLR], et de l’autre un sous-recours au soin et à la prévention, vecteurs d’inégalités de santé. […] Nous sommes les acteurs extraordinaires du soin ordinaire. »

Gare à la vénalité

À la recherche d’un « cadre clair », le Collège de la médecine générale espère beaucoup du nouveau référentiel professionnel, élaboré il y a plus d’un an et en attente de publication, qui regroupe les valeurs, les missions, les compétences et les responsabilités du médecin de famille. « Il permet de nommer un médecin généraliste un médecin généraliste comme on nomme un chat un chat », a insisté le Pr Frappé.

La certification périodique est le second outil de cadrage qui importe à la profession. « Pour qu’elle garde toute sa crédibilité, elle ne peut être qu’au plus proche des exercices de chacun. Alors que l’obligation triennale de DPC pourrait bien disparaître, nous avons besoin de garanties sur la pérennité de la formation continue indemnisée », a insisté le médecin.

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Autre message fort : dans la pratique comme dans les études, attention à ne pas céder aux sirènes de la vénalité. « Une certaine incongruence s’est installée entre valeur et valorisation qui a permis l’émergence de bulles financières, véritables incitations à la vénalité », a déploré le président du collège. Qui encourage à « stopp[er] la surenchère malsaine », à accepter des aides financières « qui ont un sens » et à rejeter les autres. « Car comment imaginer qu’un généraliste puisse exercer sereinement avec la marque du suçon de certaines collectivités prêtes à tous pour les faire venir […] en leur offrant par exemple un palais ou une rue à leur nom […] ? », a-t-il encore insisté.

Prémunir la 4A des « effets d’aubaine »

Enfin, cette vénalité fait également peser un risque sur la quatrième année d’internat de médecine générale, « opportunité unique de mettre le pied à l’étrier et de favoriser les installations ». « Nous attendons plus que jamais les textes qui permettront de la mettre concrètement en musique, qui lui donneront un cadre sain et une indemnisation des maîtres de stage universitaires (MSU) à la juste valeur de leur investissement et du temps consacré », a plaidé le Pr Frappé. Comment ? En faisant en sorte que cette réforme n’attise pas les effets d’aubaine et ne « transforme les MSU en rentiers susceptibles d’empocher jusqu’à 8 000 euros sur les actes réalisés par leurs docteurs juniors ».

Absent à l’ouverture du congrès, le ministre de la Santé Yannick Neuder est attendu ce vendredi 28 mars à 18 heures. Il y a fort à parier que sur tous ces sujets, le cardiologue isérois devra rendre des comptes.


Source : lequotidiendumedecin.fr