À l'occasion de la Journée mondiale de l'accident vasculaire cérébral (AVC) ce 29 octobre, les experts de la conférence nationale AVC* ont publié un livre blanc où sont déclinées « 12 propositions pour une meilleure prise en charge de l'AVC ». Le Pr Serge Timsit, responsable du service de neurologie du CHU de Brest et ancien président de la Société française neurovasculaire (SFNV) en détaille les enjeux.
LE QUOTIDIEN : Dans quel contexte ont été élaborées ces douze propositions ?
Pr SERGE TIMSIT : Le plan national d’actions « accidents vasculaires cérébraux 2010-2014 » a permis d'améliorer la prise en charge des AVC à travers le développement des unités neurovasculaires (UNV). Néanmoins, cinq ans après, nous constatons qu'il reste encore de nombreux aspects à améliorer. De plus, les techniques ont évolué depuis la fin du plan, avec l'arrivée de la thrombectomie en 2015 qui a soulevé de nouvelles problématiques.
Nos propositions visent à alerter les pouvoirs publics, car nous avons besoin de moyens à la fois humains et organisationnels pour les mettre en œuvre. Elles s'articulent autour de trois axes : la prévention, la prise en charge de l'AVC en elle-même et le suivi après la sortie de l'hôpital.
Que préconisez-vous pour mieux prévenir les AVC ?
Il faut encore davantage agir sur les facteurs de risque, tels que l'hypertension artérielle, le diabète, le surpoids, le tabagisme, la consommation d'alcool et la sédentarité, en ciblant les personnes de 40 ans, car c'est à cet âge que l'on peut encore avoir un impact. Nous proposons ainsi de mettre en place, pour cette population, une consultation dédiée à la prévention avec un médecin généraliste afin de faire le point sur les facteurs de risque cardio-vasculaires et amener les patients à une prise de conscience de ces risques. Cette consultation devra être prise en charge par l'Assurance-maladie. Cet âge pivot de 40 ans a été défini alors que la survenue d'AVC avant l'âge de 55 ans est en augmentation.
Comment améliorer la prise en charge de l'AVC à l'hôpital ?
On considère que lors d'un AVC, un individu perd deux millions de neurones par minute, donc chaque minute compte. Le délai optimal entre l'admission et la réalisation de l'imagerie (IRM ou scanner) est estimé à 25 minutes pour éviter le risque de séquelles. Pour agir vite, il faut que tous les acteurs de la filière - du régulateur des urgences au neurologue - aient le même niveau d'information sur le patient. Des applications dédiées au partage d'information existent mais sont sous-utilisées et gagneraient à être développées pour davantage de coordination.
Par ailleurs, la moitié des patients encore ne sont pas pris en charge au sein d'une UNV, faute de place. Or, le simple fait d'être pris en charge au sein de ces unités représente un réel gain pour les patients, avec une réduction de la morbimortalité de 30 %. Il est donc essentiel d'augmenter les capacités des UNV. Des filières gériatriques doivent être développées au sein de ces unités alors que beaucoup de nos patients ont plus de 75 ans.
Nous recommandons également, sur le modèle des UNV, la généralisation d'unités dédiées aux accidents ischémiques transitoires (UAIT) qui permettent de prendre en charge les patients ayant eu un AIT en une journée. Une prise en charge précoce diminue de 80 % le risque d'AVC.
Qu'en est-il de la thrombectomie ?
Depuis 2015, de plus en plus d'AVC ischémiques sont traités par thrombectomie, technique qui consiste à retirer le caillot qui bouche les vaisseaux sanguins. Nous appelons à la création de postes de praticiens dédiés à la neuroradiologie interventionnelle pour répondre à ces besoins croissants. Beaucoup sont formés mais ne trouvent pas de poste malgré les besoins.
Concernant le suivi post-AVC, quelles sont vos propositions ?
Le suivi après la sortie de l'hôpital vise non seulement à prévenir la récidive mais aussi les troubles cognitifs et la dépression qui peuvent survenir après un AVC. Nous souhaiterions que les consultations annuelles de suivi des patients ayant eu un AVC soient cotées comme des consultations dites « complexes » pour pallier le manque de temps nécessaire à une démarche de prévention secondaire.
Enfin, nous appuyons la volonté des associations d'organiser des modalités de répit pour les aidants afin de leur libérer du temps, comme c'est le cas pour les aidants de patients atteints de la maladie d'Alzheimer.
* La conférence nationale AVC réunit onze experts autour de la question de la prise en charge de l’AVC : Françoise Benon, présidente de France AVC, Dr Thomas Bony, urgentiste, hôpital Lyon Sud, membre de la Société française de médecine d’urgence, Pr Hubert Desal, neuroradiologue au CHU de Nantes, vice-président de la Société française de neuroradiologie, Dr Laurent Derex, neurologue vasculaire, hospices civils de Lyon, membre de la Société française neurovasculaire, Jean-Dominique Journet, président de la Fédération nationale des aphasiques de France, Dr Yann L’Hermitte, urgentiste, SAMU 77 & UNV Corbeil, membre de la Société française de médecine d’urgence, Gérard de Pouvourville, professeur honoraire, département d’économie, ESSEC Business School, Dr Suzana Saleme, neuroradiologue, CHU de Limoges, membre de la Société française de neuroradiologie, Dr Denis Saudeau, vice-président de France AVC, Philippe Thébault, président de l’Alliance du Cœur, Pr Serge Timsit, responsable du service de neurologie, CHU de Brest et ancien président de la Société française neurovasculaire.
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