Comment diminuer les séquelles fonctionnelles de l'accident vasculaire cérébral (AVC) ? L'une des pistes explorées est le déploiement d'unités mobiles équipées de TDM afin de réaliser une thrombolyse rapide des formes ischémiques. Une étude multicentrique américaine coordonnée par le Dr James Grotta du Memorial Hermann Hospital à Houston montre que, pour les patients éligibles, le pronostic fonctionnel est amélioré à 90 jours par rapport à la prise en charge consensuelle aux urgences neuro-vasculaires (1).
Le dispositif en est encore au stade d'expérimentations locales, outre-Atlantique ou ailleurs en Europe. « James Grotta est une légende aux États-Unis dans la prise en charge des AVC, rapporte le Pr Pierre Amarenco, chef du service de neurologie à l'hôpital Bichat (AP-HP). Très tôt, il a développé cette possibilité d'unités mobiles avec scanner embarqué, qui permet d'être autonome pour faire la thrombolyse. Après l'étude de Berlin qui montrait la même chose il y a quelques années, c'est le deuxième essai randomisé positif ».
Le temps est compté pour la thrombolyse dans l'AVC ischémique, l'injection devant être réalisée moins de 4,5 heures après l'apparition des premiers symptômes. « L'initiative est intéressante et le bénéfice est clair : les unités mobiles raccourcissent le délai thérapeutique et améliorent un peu le pronostic par rapport à la prise en charge classique », poursuit le spécialiste français à la carrière de 40 ans contre l'AVC et qui vient de publier « Vaincre l'AVC » (2).
Télémédecine
L'étude baptisée BEST-MSU publiée dans « The New England Journal of Medicine » a inclus 1 515 patients, dont 1 047 étaient éligibles à la thrombolyse par activateur tissulaire du plasminogène (t-PA). Quelque 617 patients ont été pris en charge en ambulance AVC et 430 aux urgences neurovasculaires, pour majorité à Houston, mais également dans six autres villes américaines, entre août 2014 et août 2020.
Chaque unité mobile était composée d'un ou deux aides-soignants, d'un technicien radio et d'un infirmier de soins intensifs. La supervision était assurée par un neurologue spécialisé à bord ou joignable par télémédecine. L'inclusion dans les deux groupes de l'essai se faisait en alternance une semaine sur deux entre unités mobiles et urgences neurovasculaires.
Pour le critère principal − le pronostic fonctionnel à trois mois −, l'équipe a utilisé une nouvelle échelle dérivée du MRS (Modified Rankin Scale, allant de 0 à 6, un score élevé indiquant un handicap plus lourd) : un MRS pondéré sur l'utilité perçue par les patients allant de 0 à 1, un score élevé indiquant un meilleur pronostic. « Le MRS est assez grossier, explique le Pr Amarenco. C'est l'échelle que l'on utilise habituellement, faute de mieux. Grotta, qui est très innovant − c'est lui qui a introduit le graphe dit Grotta pour le MRS −, a voulu ici essayer de l'améliorer ». Pour ce travail, les auteurs ont opté pour une analyse dichotomique : scores ≥ 0,91 ou < 0,91 selon l'échelle MRS pondérée, approchant les scores MRS ≤ 1 ou > 1.
Finalement, au sein du groupe unités mobiles, l'accès à la thrombolyse s'est révélé 22 % plus élevé (97,1 % des patients éligibles par rapport à 79,5 %). Le temps médian pour l'initiation de la thrombolyse était raccourci de 36 minutes en médiane (72 minutes versus 108). Quant au critère principal, le pourcentage de patients retrouvant une vie normale à trois mois après l'AVC, il était majoré de 24 % (55,0 versus 44,4 %).
À tester en population générale
Alors, les ambulances AVC, une solution d'avenir ? La question n'est pas encore tranchée pour les spécialistes. « Comme l'indique l'éditorialiste Kennedy Lees de l'université de Glasgow (3), la question qui se pose maintenant est celle de la généralisabilité », estime le Pr Amarenco. L'étude américaine ne s'adresse qu'aux patients éligibles à la thrombolyse et pas aux autres. « Une étude coût/efficacité devra répondre à la question en population générale, poursuit-il. Ce n'est pas évident, une ambulance coûte un million de dollars et il en faudrait une par centre, mobilisée en permanence et spécialisée AVC ».
À ce titre, le neurologue parisien dit attendre les réponses qui seront apportées par le projet Asphalt à Paris, qui prévoit deux ambulances, l'une rive droite, l'autre rive gauche, sous la direction de l'hôpital Sainte-Anne (AP-HP). « Rien que dans la capitale, il faudrait cinq à six unités mobiles en permanence, fait-il remarquer. C'est compliqué à organiser, le personnel doit être très motivé. Ce pourrait être plus adapté à la campagne pour aller chercher très loin des personnes qui n'ont pas accès aux unités neurovasculaires, la télémédecine permettant de désenclaver ces territoires ».
En attendant d'en savoir plus, l'éditorialiste et l'expert français invitent à optimiser le temps de parcours intra-hospitalier. « Gagner 36 minutes, ce n'est pas tant que ça, souligne le Pr Amarenco. Entre l'arrivée à l'hôpital et l'injection de thrombolyse, il s'écoule dans un service de pointe comme à Bichat 20 à 30 minutes. Et alors qu'il est recommandé d'être à moins de 60 minutes, un certain nombre de centres restent à 1 heure 30. On peut faire mieux ».
(1) J. C. Grotta et al, NEJM, 9 septembre 2021. DOI:10.1056/NEJMoa2103879
(2) Vaincre l'AVC, Pierre Amarenco, septembre 2021, éditions du Rocher
(3) K. Lees, NEJM, 9 septembre 2021. DOI: 10.1056/NEJMe2111028
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