Maladie de Wilson

L’expérience française de transplantation hépatique

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Publié le 20/06/2016
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La maladie de Wilson est une maladie génétique autosomique récessive rare - avec une prévalence de 1,5 pour 100 000 - liée à la mutation du gène ATP7B situé sur le chromosome 13. Une mutation sur chaque allèle est nécessaire pour développer la maladie. Le tableau le plus fréquent est l'atteinte hépatique chez un enfant car ce gène muté empêche l'élimination normale du cuivre dans la bile et les selles. Le cuivre est alors stocké dans le foie, mais parfois aussi dans la rétine et dans le cerveau. La surcharge en cuivre entraîne donc des symptômes hépatiques - généralement dépistés avant vingt ans - et extrahépatiques qui sont plus tardifs : Parkinson, tremblements, dystonies, dépression atypique résistant au traitement psychiatrique classique, troubles dissociatifs, etc. « Il est important d'en faire le diagnostic le plus précoce possible car il existe des possibilités thérapeutiques : il s'agit des chélateurs de cuivre (D-pénicillamine, trientine en ATU, ou le zinc) et de la transplantation hépatique en cas d'hépatite fulminante ou de cirrhose majeure. Or si le délai diagnostique moyen est d’un an pour les symptômes hépatiques, il peut atteindre deux ans lorsqu'il n'y a que des signes psychiatriques isolés », insiste la Dr Poujois.

La greffe peut changer un pronostic catastrophique

« Lorsque l'atteinte neurologique existe, une aggravation se produit dans 20 % des cas en dépit du traitement. Si cette aggravation est le plus souvent transitoire, chez certains, au contraire, la maladie semble s'emballer. S'est alors posée la question de proposer une greffe hépatique à ces patients et ce, même s'il n'y a pas d'hépatite fulminante ou de cirrhose décompensée qui sont les deux indications habituelles de la transplantation dans la maladie de Wilson », explique la Dr Poujois. Les données concernant tous les patients greffés entre 1994 et 2016 dans cette indication (seize au total), ont été reprises : il s'agit d'un travail rétrospectif collaboratif entre le Centre de référence coordonnateur de Lariboisière, ainsi que le centre expert à Lyon et les centres de compétences répartis dans toute la France. En moyenne, la greffe hépatique a été réalisée un an après le début de l'aggravation neurologique. Il s'agissait de patients âgés de 22 ans en moyenne, avec une cirrhose minime et surtout, un score de dépendance très élevé (score Rankin de 4 sur 5). « Quatre sont décédés de complications infectieuses. Il s'agissait de patients très atteints sur le plan neurologique et très affaiblis, avec des dystonies fixées et un syndrome parkinsonien majeur, ayant déjà séjourné en réanimation. Les douze autres se sont tous améliorés : pour la moitié, l'amélioration a été de 80 % et deux tiers ne sont plus dépendants : certains ont même repris un travail en milieu adapté, se sont mariés, ont eu des enfants, alors qu'avant la transplantation, ils n'avaient plus aucune autonomie ! ».

Quand greffer ?

Au final, il s'agit de la plus grosse série européenne de patients atteints d'une maladie de Wilson ayant bénéficié d'une transplantation hépatique pour raisons neurologiques : « nous avons pu montrer que cette transplantation était efficace, avec un bémol, une mortalité encore élevée (25 % des cas). La question qui se pose maintenant est de trouver quand greffer de façon optimale et trouver d'éventuels facteurs de bons pronostics de réponse à la transplantation. Outre les neurologues, la maladie doit aussi être connue des psychiatres et des généralistes, qui doivent avoir le réflexe « centre de référence » au moindre doute pour ne pas retarder le traitement et pour permettre au patient de bénéficier d'une prise en charge multidisciplinaire. On estime qu'il y a environ 900 patients atteints d'une maladie de Wilson en France, mais seulement 650 sont inscrits au registre national et donc suivis par un centre de référence », conclut la Dr Poujois.

D’après un entretien avec le Dr Aurélia Poujois, Centre national de référence de la maladie de Wilson, service de neurologie, hôpital Lariboisière, Paris

Dr Nathalie Szapiro

Source : Bilan Spécialiste