PARFOIS, en médecine, certains éléments cliniques sont considérés, à tort, comme secondaires à une pathologie. Il en va ainsi des perturbations de la statique qui ont été constatées au cours des troubles bipolaires. Le lien entre les deux a été constaté assez récemment mais peu ou pas expliqué ; certains y voyaient peut-être une relation avec l’état psychique du patient. Une équipe de médecins de l’Indiana, Amanda R. Bolbecker et coll, ont évoqué une hypothèse autre. Le contrôle postural ferait partie intégrante de l’affection psychiatrique. L’explication se trouverait dans le fait que les zones centrales touchées par les troubles bipolaires contrôlent également la statique : le cervelet, les ganglions de la base et le tronc cérébral. L’étude menée auprès de 16 patients et autant de témoins indemnes confirme la justesse de leur raisonnement.
Debout sur une plateforme.
L’étude a consisté à demander aux 32 participants de se tenir debout sur une plateforme équipée de capteurs. Elle analysait les modifications de répartition de poids selon les oscillations du sujet pour maintenir son équilibre. Chaque test durait 2 minutes. Quatre séries ont été pratiquées selon autant de modalités : yeux ouverts au départ/fermés ; ouverts/ouverts ; fermés/ouverts ; fermés/fermés. Il est important de noter que les patients bipolaires étaient tous en état d’euthymie. L’ampleur des oscillations a été analysée, puis des comparaisons ont été établies entre les deux groupes de participants. Elles se sont fondées sur les mouvements antéro-postérieurs et latéraux.
Le premier constat montre une augmentation des oscillations posturales chez les patients par rapport aux témoins. Mesurée dans l’espace cette anomalie se traduit par une augmentation de la surface des oscillations créées sur la plateforme. Cette différence se trouve majorée par la perte des informations visuelles, ce qui suggère bien un moindre contrôle de la statique. Ensuite, une étude plus fine des balancements a été réalisée. Elle montre essentiellement des différences entre les deux groupes sur les oscillations latérales. Pour les chercheurs, il faudrait y voir un affaiblissement du lien entre les divers systèmes sensorimoteurs, c’est-à-dire visuels, vestibulaires et proprioceptifs. Ces trois sources d’informations forment une boucle rétroactive de contrôle de la statique.
Une atrophie cérébelleuse.
Pour étayer leurs conclusions, Les auteurs rappellent que le rôle du cervelet dans le contrôle moteur est bien défini : production de mouvements doux et coordonnés dans le maintien postural par activation des muscles agonistes et antagonistes. Mais, ajoutent-ils, sa participation à la perception, à la cognition ou à l’affectivité a été récemment mise en évidence. L’imagerie structurelle montre une atrophie cérébelleuse au cours des troubles bipolaires. Quant au ganglions de la base, leur place dans l’intégration multisensorielle est fondamentale, notamment aux plans proprioceptif et moteur. Ici encore la neuro-imagerie a montré des lésions chez des patients bipolaires. Le tronc cérébral, enfin, agit sur la motricité et tout particulièrement dans la coordination entre les informations d’origine vestibulaire, visuelles et proprioceptives. Des lésions de cette structure ont été également décrites.
Ces faits issus de la physiologie permettent de mieux comprendre pourquoi les Américains se sont orientés vers l’étude des oscillations posturales. Ils les considèrent comme très sensibles aux atteintes de ces trois structures centrales.
Dans le même temps, ils admettent quelques faiblesses à leur travail. Les patients étaient euthymiques. Dès lors, s’interrogent-ils, quelle part des résultats peut être attribuée à la maladie bipolaire et quelle part revient aux médicaments ? De plus certains patients recevaient du lithium. La molécule est connue pour améliorer la coordination motrice et l’équilibre de façon expérimentale chez la souris. La puissance statistique de l’étude est insuffisante pour faire la part, dans les résultats, de l’évolution de l’affection sur les tests ou des épisodes de modification de l’humeur. Les chercheurs ajoutent que certains des patients étaient dépendants de l’alcool ou d’autres substances. Enfin, la durée de l’affection variait entre les participants et il semble bien que certaines atrophies de structures centrales aient un lien avec le nombre d’épisodes de troubles de l’humeur.
PLoS ONE, mai 2011, vol 6, n°5, e19824.
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