De tous les patients atteints d'une démence, les patients de moins de 65 ans ne représentent que 3 à 5 % des cas. La maladie d’Alzheimer est la démence la plus fréquente chez ces patients jeunes. Pour en savoir plus sur ces patients particuliers, la cohorte de suivi multimodal COMAJ inclut depuis 2009 (et cela va se poursuivre au moins jusqu'en 2017), des patients ayant une maladie d'Alzheimer dont les premiers symptômes ont débuté avant l'âge de 60 ans et qui sont suivis dans l'un des trois centres de référence « Malades Alzheimer Jeunes » de Lille, Rouen et/ou Paris (La Pitié – Salpêtrière). Actuellement, 325 patients sont inclus dans cette cohorte dont 178 sont suivis à Lille, 42 à Paris et 121 à Rouen.
Les premiers enseignements de la cohorte
« Les malades jeunes n'ont pas tous une maladie d’Alzheimer typique : dans 40 % des cas les patients présentent des troubles langagiers, des troubles exécutifs ou des troubles visuospatiaux à l’avant-plan. En outre, le diagnostic a souvent été posé encore plus tardivement, quatre à cinq ans en moyenne, que dans une population plus âgée où il est de deux - trois ans en moyenne. C'est pourquoi nous nous intéressons de près à leur histoire clinique et leur parcours médicosocial. Dans le cadre de la cohorte COMAJ, tous les patients se voient proposer des tests neuropsychologiques, une imagerie (IRM) et une TEP-FDG annuels. Une recherche génétique (génotypage ApoE, recherche de mutation sur les gènes des présénilines - PS1, PS2 - APP en cas d'histoire familiale évocatrice ou de début très précoce) et une ponction lombaire avec dosage des biomarqueurs de maladie d’Alzheimer sont également réalisées. Leur parcours médicosocial est également étudié. On constate fréquemment un retentissement des premiers symptômes de la maladie sur l’emploi (aboutissant à une perte d'emploi). Enfin, les patients sont systématiquement informés de la possibilité de réaliser un prélèvement cérébral post mortem afin de confirmer le diagnostic, dans le cadre de la recherche. À Lille, depuis le début de l’étude, vingt-huit patients de la cohorte sont décédés et quatorze autopsies ont été réalisées. Elles ont permis de confirmer le diagnostic dans 13 cas : il s'agissait bien d'une maladie d'Alzheimer, mais parfois associée à des lésions cérébrovasculaires (notamment de l’angiopathie amyloïde cérébrale) et à des corps de Lewy, sans que nous connaissions les implications cliniques et pronostiques de ces lésions sur la maladie. Le dernier cas était une démence frontotemporale, chez une patiente incluse à un stade sévère de syndrome démentiel, qui est la seconde cause de démence dégénérative chez l'adulte jeune (et qui se caractérise habituellement par une apathie et/ou une désinhibition verbale et comportementale, une perte d'empathie, des troubles du comportement alimentaire, etc.). Ces analyses se poursuivent avec les centres de Rouen et de Paris », note la Dr Rollin.
Pas plus de risque vasculaire
Grâce à toutes les données récoltées, de nombreuses études sont en cours dans les 3 centres. « À Lille, par exemple, nous nous sommes intéressés à l’implication des facteurs de risques vasculaires dans la maladie d’Alzheimer du sujet jeune. Pour cela, nous avons comparé des patients issus de la cohorte COMAJ, présentant une forme sporadique (sans histoire familiale de maladie d’Alzheimer avant 65 ans), à des témoins de même âge et de même sexe issus de la métropole Lilloise : il n'a pas été retrouvé plus de facteurs de risque vasculaires chez les patients. Au contraire, ils étaient plus minces et plus hypotendus que les témoins. Il ne semble donc pas y avoir de lien entre les facteurs de risques vasculaires et maladie d'Alzheimer du sujet jeune contrairement aux données retrouvées chez les patients plus âgés (où une association entre les facteurs de risques vasculaires et la démence existe), à moins que ces patients jeunes n'aient été hypertendus quelques années avant d’être malades (chez la personne âgée présentant un syndrome démentiel, il existe souvent un antécédent d’hypertension artérielle de milieu de vie puis la tension artérielle a tendance à diminuer au cours de la maladie). En revanche, nous avons constaté que le niveau d'éducation des patients était un peu inférieur à celui de la population témoin, ce qui a pu jouer sur la précocité de l'apparition de la maladie (moindre réserve cognitive) », souligne la Dr Rollin.
L'équipe Lilloise participe également (ainsi que les centres de Rouen et de Paris Pitié-Salpêtrière) à l’essai thérapeutique Dominantly Inherited Alzheimer Network Trials Unit (DIAN-TU) qui inclut des personnes, asymptomatiques ou ayant une plainte cognitive, à risque de développer une maladie d’Alzheimer car apparentées à des patients ayant une mutation génétique connue (PS1, PS2, APP). « Ces personnes reçoivent un traitement anti-amyloïde ou un placebo (exception faite des apparentés non porteurs de la mutation génétique qui reçoivent d'office un placebo) pendant 4 ans, l'objectif de cette étude étant de prévenir la maladie avant l’apparition des premiers symptômes », conclut la Dr Rollin.
D’après un entretien avec le Dr Adeline Rollin, CMRR, CHRU Lille
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