De notre correspondant
LE SENTIMENT ou la conscience d’être vus ou jugés par d’autres personnes pèse fortement sur un grand nombre de nos actes quotidiens, ce qu’on peut exprimer d’une autre manière : nous soignons notre image sociale ! Bien que des manifestations de type altruiste se voient chez certains primates non humains, il semble que l’influence du regard des autres sur le comportement altruiste soit une spécificité humaine.
Les troubles du spectre autistique (ASD), qui touchent 1 % de la population, sont en partie caractérisés par une altération des interactions sociales réciproques. Celles-ci sont d’autant plus frappantes chez les autistes à haut niveau de fonctionnement cognitif (HFASD) parce qu’elles constituent souvent, chez eux, la principale manifestation affectant la vie quotidienne. On estime généralement que ces autistes ont une difficulté à se représenter ce que les autres pensent d’eux (à juste titre ou non), ce qu’on appelle aussi métareprésentation.
Donner à une association caritative.
Pour vérifier cette hypothèse sur le plan expérimental, l’équipe de Ralph Adolphs a soumis 10 sujets HFASD et 11 témoins appariés pour l’âge, le sexe et le quotient intellectuel (QI) à l’épreuve suivante : on alloue à chacun des participants une certaine somme d’argent et on leur propose d’en donner une partie à une association caritative. Le test est réalisé tour à tour dans deux circonstances : soit le sujet est seul dans la pièce, soit un observateur inconnu est présent dans la pièce (un scénario est élaboré pour justifier la présence du tiers).
Alors que dans le groupe témoin, les dons sont significativement plus importants en présence d’un observateur (différence r = -0,88), ils ne sont pas modifiés de manière significative dans le groupe HFASD (r = -0,31, p = 0,38,non singificatif). Une analyse de régression linéaire suggère que ni l’âge, ni le sexe, ni le QI, ni la motivation intrinsèque à faire un don ne rendent comptent de la différence observée entre les deux groupes.
Prise en compte de la réputation.
Les chercheurs ont ensuite conduit un autre test, le CPT (Continuous Performance Task), pour s’assurer que l’effet « observateur » reflète une influence de type prise en compte de la réputation, et non un déficit cognitif social plus étendu chez les sujets autistes (par exemple, un incapacité à se représenter la présence ou l’absence du tiers). Ce deuxième mécanisme semble pouvoir être exclu par l’existence, chez les témoins comme chez les participants HFASD, de performances meilleures en présence d’un observateur. Des épreuves complémentaires ont permis d’exclure également l’influence de l’humeur (test PANAS).
Ces résultats suggèrent donc qu’il existe, chez les personnes autistes à haut niveau de fonctionnement cognitif, une absence de prise en compte de l’opinion des autres dans leurs choix. Doit-on situer cette observation dans le contexte d’un défaut d’empathie (capacité à comprendre les sentiments des autres sans les vivre soi-même) ? Sans doute en partie car les sujets autistes de cette série présentaient des scores plus faibles sur l’échelle « Simon Baron Cohen’s Empathy Quotient ». Toutefois ce trait ne peut, à lui seul, expliquer les découvertes de l’étude nippo-américaine, où le seul facteur de variation était la présence ou l’absence d’un tiers, ce qui permettait d’examiner strictement la motivation extrinsèque (et non intrinsèque) à faire un don.
Les auteurs proposent deux explications : soit les sujets autistes, tout en réalisant la présence ou l’absence d’un observateur extérieur, ne se représentent pas ce que ce dernier pense d’eux (la réputation), soit ce qui fait défaut chez eux est une représentation du processus de récompense sociale. De nouvelles études seront nécessaires pour préciser si le déficit observé ici est d’ordre cognitif ou lié à la motivation.
Izuma K., Adolphs R. et coll. Insensitivity to social reputation in autism. Proc Natl Acad Sci USA (2011) Publié en ligne.
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