Améliorer le diagnostic de coronaropathie

Le fond d'œil en complément de la coronarographie ?

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Publié le 18/03/2019
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coronographie

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Crédit photo : Phanie

Aujourd'hui, seule une coronarographie permet d'identifier une sténose coronaire, à travers l'observation de l'état général des gros vaisseaux et la localisation des zones de rétrécissement provoquées par des plaques d'athérome.

« Bien que le cardiologue interventionnel fonde son raisonnement sur cet examen, cette technique n'explore pas la microcirculation, partie immergée de l'iceberg qui représente 95 % du réseau coronaire. On résonne en pratique quotidienne sur 5 à 10 % des artères qui irriguent le cœur. On prend des décisions très importantes (pose de stents…) malgré une très mauvaise appréhension des petites artères, souligne le Pr Pierre Lantelme (cardiologue à Lyon). D'autant plus qu'il existe un lien très fort entre les facteurs de risque cardiovasculaire classiques et ces petits vaisseaux ».

Changer de point de vue

« Puisqu'il est difficile de visualiser ces petites artères au niveau du cœur, pourquoi ne pas aller voir ailleurs ? s'est interrogé le Pr Lantelme. Or, le seul endroit de l'organisme où on peut facilement les voir est l'œil ».

Ainsi, le projet COREYE (COronary Resistance by EYE examination) a été mis en place par le Pr Pierre Lantelme au service de cardiologie de l'hôpital de la Croix Rousse à Lyon, en collaboration avec le service d'ophtalmologie, et le Centre de recherche en acquisition et traitement de l'image pour la santé (CREATIS). Cette étude monocentrique a pour ambition de mesurer en parallèle l'état de la vascularisation rétinienne et de la choroïde, puis de la comparer à la résistance évaluée au niveau des petits vaisseaux du cœur par échographie Doppler, grâce aux mesures de pression et de flux. La pression est mesurée par l'intermédiaire du flux de réserve coronaire (FFR : fractional flow reserve), à interpréter en fonction de l'état de la microcirculation. « Nous allons devoir développer des outils afin de quantifier différents paramètres (densité des vaisseaux, etc.) à partir de l'analyse des images de la rétine et de la choroïde, pour pouvoir les comparer aux résistances coronaires, détaille le Pr Lantelme. La choroïde, qui est la couche vasculaire la plus sensible aux facteurs de risque d'après les ophtalmologistes, sera la plus intéressante à explorer dans notre travail ».

Près de 250 000 euros pour un meilleur diagnostic

Le démarrage de l'étude est prévu en septembre 2019, le recrutement en 2019/2020 et une publication en 2020. Actuellement, 33 patients avec un rétrécissement modéré de l'artère coronaire sont inclus sur les 200 attendus. Les patients diabétiques peuvent également participer, sauf en cas de rétinopathie diabétique avancée.

Si le projet Coreye parvient à confirmer la possibilité de déterminer le risque de résistance coronarienne en analysant les microvaisseaux du fond de l'œil, cette découverte pourrait faire progresser le diagnostic de la maladie coronaire. « Ajoutée aux nombreux indicateurs obtenus par coronarographie, elle permettra d'augmenter la pertinence des indications de réparation des coronaires. En effet, améliorer l'axe principal ne servira que si le secondaire fonctionne », ajoute le Pr Lantelme. Ainsi, un simple examen ophtalmologique non-invasif pourrait permettre de valider la décision de poser un stent. Financé par la Fédération française de cardiologie à hauteur de 248 500 euros, ce projet répond au besoin en cardiologie interventionnelle de mieux diagnostiquer l'état de la circulation coronaire globale.

D'après le colloque de la Fédération française de cardiologie, le 8 mars 2019 à l’Académie nationale de médecine.

Karelle Goutorbe

Source : Le Quotidien du médecin: 9733