Depuis plusieurs années, le nombre annuel des décès par mort inattendue du nourrisson reste stable. « Plusieurs causes intriquées conduisent à ces décès, notamment la conjonction probable de facteurs de fragilité intrinsèques à l’individu (facteurs génétiques, petit poids de naissance, prématurité), à un âge spécifique (moins de 2 ans, avec un pic de décès autour de 4 mois) et enfin, des facteurs extrinsèques environnementaux (dormir sur le ventre, environnement de couchage inadapté en général, tabagisme passif ou pendant la grossesse, consommation parentale en médicaments ou toxiques, etc.). Ce qui représente autant de pistes et de niveaux pour agir », souligne la Pr Christèle Gras Le Guen (CHU Nantes), présidente de la Société française de pédiatrie.
Des recommandations de couchage claires
Voilà plusieurs années que les recommandations nord-américaines sur l’environnement de couchage sont connues. Pourtant, elles ne sont pas toujours appliquées : il n’est donc jamais inutile de les rappeler. L’enfant doit dormir strictement sur le dos (et non sur le côté), sur un matelas plutôt dur, sans oreiller, ni couette (juste une turbulette), ni tour de lit, dans un lit adapté à son âge pour l’espacement des barreaux. Pour éviter tout risque d’étouffement, il ne faut ni peluche ni doudou dans le lit. Enfin, l’enfant doit être installé à plat même en cas de virose respiratoire car, s’il est surélevé, il risque de glisser et de se retrouver en mauvaise position pour respirer. La température de la chambre doit être autour de 19°C.
« Ces recommandations sont transmises dès la préparation à la naissance puis rappelées par les professionnels de la petite enfance, mais pas toujours appliquées. Il faut bien insister sur le fait que ce n’est pas ‘une mode’, comme on l’entend parfois, mais bien une mesure de prévention établie scientifiquement depuis les années 1990. La peur que l’enfant puisse régurgiter et s’étouffer sur le dos (un argument souvent avancé par ‘les contre’) est infondée. S’il vient de boire et qu’il régurgite souvent, il est conseillé de le garder verticalement quelques minutes dans les bras avant de le coucher sur le dos », détaille la Pr Gras-Le Guen. Autre idée reçue : les pleurs du nourrisson ne sont pas soulagés par la position ventrale.
S’il est conseillé de faire dormir l’enfant dans la chambre parentale, pour pouvoir entendre un bruit anormal, il ne faut pas coucher le bébé dans le lit parental : « le nourrisson doit être couché dans son propre lit. Le risque, en cas de ‘co-sleeping’ ou ‘cododo’ est que tout le monde s’endorme, et que l’enfant s’étouffe contre l’un des parents ou dans l’environnement de couchage (couette, oreillers…). Même si c’est pratique le temps d’allaiter, l’enfant doit être reposé dans son propre lit ensuite », insiste la pédiatre.
Quant à l’écharpe de portage, elle a son intérêt, mais l’installation de l’enfant doit être très minutieuse afin de veiller à ce que ses voies aériennes soient bien dégagées.
Mieux comprendre les facteurs intrinsèques
Depuis 2015, les pédiatres français qui accueillent les familles au moment du décès, regroupés en Association nationale des centres référents mort inattendue du nourrisson (ANCReMIN) ont mis en place un registre national des morts subites, l’Observatoire de la mort inattendue du nourrisson (Omin). Aujourd’hui, il inclut près de 1 500 nourrissons décédés, ce qui va permettre d’actualiser les connaissances sur les facteurs de risque et fragilités, intrinsèques comme extrinsèques. Des échantillons de sang, d’ADN et de liquide céphalorachidien vont pouvoir être analysés pour, idéalement, mieux cibler les nourrissons les plus à risque de mort subite et ainsi adapter les mesures préventives spécifiques pour ces enfants. « Si, par exemple, des anomalies génétiques prédisposant à des troubles du rythme sont mises en évidence, on pourra envisager d’utiliser des traitements anti-arythmiques. Si des anomalies sont repérées au niveau du système veille-sommeil, une stimulation de la respiration pourra être envisagée, voire une assistance ventilatoire nocturne pour certains. Les échantillons disponibles dans la biocollection vont aussi nous permettre de réaliser des bilans toxicologiques pour rechercher des toxiques accumulés pendant la vie fœtale ou en postnatal, dans l’environnement lors de l’allaitement maternel par exemple », explique la Pr Gras-Le Guen.
Informer de manière positive et rassurante sur les mesures de prévention qui découleront de ces études, pour aider les familles à voir grandir sereinement leur enfant en mettant toutes les chances de leur côté est essentiel, car une mort subite du nourrisson est une tragédie qui bouleverse la vie des familles : « nous avons reçu des lettres très émouvantes de femmes qui ont été confrontées il y a plusieurs décennies à un décès inattendu de leur nourrisson et qui soutiennent aujourd’hui nos travaux de recherche pour éviter que de jeunes parents ne traversent pareilles épreuves », indique la pédiatre.
Exergue : Il n’est jamais inutile de rappeler les recommandations de couchage
Entretien avec la Pr Christèle Gras Le Guen (pédiatre, CHU Nantes)
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