Début décembre, un avis de l’Académie de médecine qui dénonçait la pratique infondée de l’ostéopathie chez les nouveau-nés avait fait grand bruit. C’est au tour des pédiatres de se positionner en sa défaveur. La Société française de pédiatrie (SFP) va même jusqu’à plaider pour la contre-indiquer tant « la balance bénéfice-risque interroge à cet âge de la vie spécifiquement » dans un avis co-signé avec le Syndicat de médecine manuelle ostéopathie de France (SMMOF).
Les pédiatres s’inquiètent d’un engouement pour une pratique « au mieux inutile ». « Est-ce bien raisonnable de faire croire qu’on rétablit des flux cérébraux, qu’on repositionne les os du crâne en posant ses mains expertes de chaque côté de la tête (voire entre tête et sacrum) ? », interrogent-ils. Une réponse coûteuse et « sans fondement scientifique » à des parents anxieux en quête de réassurance et de soulagement pour des troubles bénins (allaitement difficile, constipation, pleurs et « coliques », sommeil…).
« La France est aujourd’hui un des pays qui consomme le plus de séances d’ostéopathie chez le nourrisson », est-il expliqué dans le communiqué. Alors que le nombre d’ostéopathes non professionnels de santé a doublé en dix ans (de 20 000 ostéopathes en 2014 à 40 000 en 2024), les allégations santé « sont malheureusement largement relayées via certains professionnels de santé, dès la grossesse et en maternité » sans compter les témoignages sur les réseaux sociaux.
Si l’Assurance-maladie ne prend pas en charge les séances par un non-professionnel de santé (coût minimum de 60-70 euros par séance), certaines mutuelles proposent un remboursement, ce qui « a possiblement contribué à légitimer cette approche pourtant non médicale, non validée et non reconnue ».
Deux essais cliniques aux résultats négatifs
Pour illustrer leur propos, les pédiatres rappellent de plus les résultats négatifs des « deux rares études françaises contrôlées randomisées sur la pratique de l’ostéopathie néonatale » : l’essai Neosteo mené en 2021 au CHU de Nantes et un autre à Montpellier publié en 2025. L’essai nantais sur 128 nouveau-nés à terme présentant des difficultés d’allaitement n’a pas mis en évidence d’amélioration sur la mise au sein exclusive à un mois dans le groupe ostéopathie (53 % versus 66 % dans le groupe témoin). Quant à l’étude montpelliéraine sur la prévention de la déformation du crâne, elle n’a pas mis de différence de risque au 4e mois de présenter une brachycéphalie entre les deux groupes.
À la lumière de ces résultats, la pertinence de l’indication se pose. Ce d’autant que, si les études n’ont pas rapporté d’effets indésirables, leur schéma ne permettait pas de répondre à cette question en raison de la taille de l’effectif et de la puissance insuffisante « pour un événement que l’on espère rare ». La SFP et le SMMOF demandent « un niveau d’exigence pour l’évaluation des pratiques d’ostéopathie adapté à l’importance de la santé des nourrissons » afin de répondre aux questions de l’utilité, de l’efficacité et de la sécurité des pratiques d’ostéopathie. « La responsabilité du soignant lors de la réalisation d’un soin de “confort” ne devrait-elle pas reposer avant sur l’idée “Primum non nocere” ? », concluent-ils.
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