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Dossier

Extension de l’obligation vaccinale

Ce qui a changé

Par Camille Roux - Publié le 12/01/2018
Ce qui a changé

Vaccin enfant
BURGER/PHANIE

Les enfants nés depuis le 1er janvier sont désormais soumis à onze vaccins obligatoires. Quel impact pour les généralistes ? à côté des huit injections supplémentaires, il vous faudra un peu de pédagogie, auprès des récalcitrants notamment. Pour le reste, piqûre de rappel sur ce qu’il faut savoir.

L’extension de l’obligation vaccinale à onze vaccins infantiles, au lieu de trois auparavant, vient d’être validée par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) 2018. Elle concernera tous les enfants nés depuis le 1er janvier de cette année. Huit nouveaux vaccins sont ainsi concernés, en plus du DTP (diphtérie, tétanos et poliomyélite) déjà obligatoire : coqueluche, rougeole, oreillons, rubéole, hépatite B, bactérie Hæmophilus influenzae, pneumocoque et méningocoque C. Une enveloppe de 12 millions d’euros sera accordée à l’Assurance maladie pour la mise en place de ce dispositif, dont Agnès Buzyn a fait l’une de ses priorités.

Cette mesure controversée aura alimenté les débats ces six derniers mois. Mais les “antivax” et les opposants à l’obligation n’ont pas eu raison de la détermination d’Agnès Buzyn. « J’assume cette responsabilité de sauver la vie de dizaines d’enfants et de jeunes par an », a-t-elle réaffirmé la semaine passée. Malgré la fermeté affichée de la ministre, il n’y aura pas de sanction pour les parents qui décideraient de ne pas faire vacciner leurs enfants. « Mon objectif n’est pas de sanctionner mais de rendre confiance. Je n’ai pas l’intention d’aller courir derrière les familles qui ne feront pas les vaccinations », a-t-elle précisé.

La ministre entend mener la chasse aux fausses informations qui circulent sur les vaccins. Pour cela, Agnès Buzyn compte sur les professionnels de santé, « qui connaissent les onze vaccins et pourront donc informer et répondre à toutes les questions des parents ».

L'essentiel de ce qu'il faut retenir

Quels professionnels de santé sont concernés par les onze vaccins infantiles ?

Ces vaccinations sont réalisées principalement par les médecins généralistes, les pédiatres, et dans certains cas par les sages-femmes. Les infirmiers peuvent procéder aux injections mais uniquement sur prescription d’un médecin ou d’une sage-femme. Ces vaccins peuvent être dispensés gratuitement dans les centres de vaccination ou de Protection maternelle et infantile (PMI).

Combien d’injections et de consultations sont nécessaires ?

Entre la naissance et ses 18 mois, l’enfant reçoit en tout dix injections, certains vaccins étant combinés – hexavalent (D-T-Polio-Ca-Hib-HepB) ou ROR. Ceux contre les infections à pneumocoques et le méningocoque C complètent la liste des vaccins obligatoires. Pour en effectuer l’ensemble avant l’âge de deux ans, six consultations chez le médecin sont nécessaires.

Que doit-il notifier dans le carnet de santé après les injections ?

Selon le Code de la santé publique, le professionnel de santé qui vaccine doit obligatoirement noter dans le carnet de santé ou de vaccination le nom du vaccin, la date de l’injection, le numéro du lot, c’est-à-dire l’étiquette du produit, et si nécessaire la date du prochain vaccin à faire. Ce document sert à la fois de pense-bête aux parents pour savoir où l’enfant en est dans ses vaccinations et de justificatif pour l’entrée en collectivité. Si le carnet de santé est perdu, un nouveau peut être demandé au service de PMI du département de domiciliation de l’enfant. Il devra être remis au médecin qui le suit, lequel pourra compléter les données manquantes à partir de son propre dossier.

Qu’est ce que change la vaccination obligatoire pour l’inscription en collectivité ?

A partir du 1er juin 2018, pour s’inscrire en crèche, à l’école, chez l’assistant maternel ou pour partir en colonie, les enfants nés depuis le 1er janvier devront attester être à jour de leurs vaccins obligatoires. Les structures d’accueil seront responsables du contrôle du carnet de santé, de l’attestation du médecin ou du certificat de contre-indication s’il y en a un (voir ici). Les enfants nés avant le 1er janvier 2018 seront eux soumis à la même règle qu’auparavant, à savoir une obligation pour le DTP seulement. Une admission provisoire en collectivité de trois mois sera accordée sous réserve d’une vaccination à jour dans ce délai.

Que risque un parent qui refuse de faire vacciner son enfant ?

Les sanctions et amendes spécifiques au refus de vaccination ont été supprimées. Les parents qui décident toutefois de ne pas faire vacciner leurs enfants malgré l’obligation seront donc soumis uniquement aux législations de la protection de l’enfance et pourront être poursuivis pénalement pour avoir compromis la santé de leur enfant, ou celle d’autres s’il les a contaminés.

Que risque un médecin qui s’oppose à la vaccination d’un enfant ?

Les médecins sont soumis au Codes de la santé publique. Le praticien « est tenu d’informer ses patients de ses responsabilités et de ses devoirs vis-à-vis de lui-même et des tiers ainsi que des précautions qu’ils doivent prendre », précise le texte. Ce n’est pas tout. Les médecins doivent aussi respecter les règles de déontologie régies par l’Ordre. Ainsi, Agnès Buzyn a appelé le Cnom à « prendre ses responsabilités » si un médecin s’aventurait à rédiger des certificats de vaccination « de complaisance ». En décembre dernier, le Conseil d’État a confirmé la radiation par l’Ordre d’un médecin d’Aix-les-Bains qui avait falsifié le carnet de santé d’un enfant, sur lequel il avait affirmé lui avoir injecté le DTP. Une sérologie demandée par le père de l’enfant a prouvé le contraire.

Quelle obligation repose alors sur le médecin ?

La réelle obligation s’exerce sur les parents et non sur les médecins. Ces derniers ont le devoir d’informer les familles sur les onze vaccins et de veiller à ce que toutes les injections soient effectuées selon le calendrier vaccinal mais ne peuvent s’opposer à la volonté des parents. « Un médecin ne peut pas obliger une famille. Par contre, s’il fait un faux certificat en disant que l’enfant est vacciné alors qu’il ne l’est pas, il franchit une ligne rouge », a précisé Agnès Buzyn. Afin d’informer au mieux les patients et leur apporter des arguments scientifiques sur les bienfaits de la vaccination, le médecin pourra s’appuyer sur divers outils comme la version professionnelle du site vaccination-info-service.fr mise en ligne au printemps prochain, ou sur de la documentation fournie par les ARS, l’Assurance maladie ou Santé publique France.

Agnès Buzyn a annoncé une obligation vaccinale « provisoire ». A quelles conditions pourrait-elle être levée ?

Actuellement, 70 % des enfants sont déjà vaccinés contre les onze maladies. Si les Français se montrent bons élèves, l’obligation pourrait être levée par décret dès que « les couvertures vaccinales optimales seront atteintes et que la levée de l’obligation ne risquera pas d’entraîner une baisse des vaccinations », prévoit le ministère. Un point annuel permettra de rendre compte de l’évolution de la couverture vaccinale. Actuellement, la coqueluche et l’Hæmophilus influenzae, le plus souvent combinés avec le DTP, ont une couverture vaccinale autour de 98 %, selon les chiffres 2016 de Santé publique France. Le vaccin contre les pneumocoques est lui à 91 %, celui contre l’Hépatite B, à 88 % de couverture. Le ROR 1re dose est effectué par 91 % des enfants alors que la deuxième n’est faite qu’à 79 %. Enfin, le vaccin contre le méningocoque C est le moins injecté chez les enfants Français avec une couverture vaccinale de « seulement 71 % ».

Doit-on craindre une pénurie de vaccins dans les pharmacies ?

Selon le ministère, les derniers mois écoulés ont permis de faire le point sur les stocks de vaccins disponibles pour répondre à l’obligation vaccinale. « Avec l’ANSM et les industriels du médicament, nous avons aujourd’hui l’assurance qu’il n’y aura pas de rupture de stock sur les vaccins obligatoires, a expliqué Agnès Buzyn. Nous avons pris toutes les dispositions nécessaires et il y aura évidemment une surveillance accrue des stocks mondiaux. » Selon elle, seuls des vaccins dits « de rattrapage », faits à l’adolescence ou un peu plus tard, pourraient connaître des ruptures.

Témoignages

« Les gens pensent qu’on va faire onze piqûres à leurs enfants. »

« Les gens pensent qu’on va faire onze piqûres à leurs enfants. Ils n’ont pas saisi que les vaccins qui deviennent obligatoires sont déjà faits la plupart du temps. Nous devons réaliser un travail de réassurance. Il y a toujours des adeptes de médecines parallèles. L’obligation nous donne les outils pour être convaincants. On essaie d’expliquer les risques qu’ils font courir au reste de la population, qu’il faut une couverture vaccinale d’au moins 90 % si on veut voir disparaître une maladie. Le généraliste est le dernier rempart. Si on ne vaccine pas, cela ne sera pas fait. La médecine scolaire n’est pas suffisamment attrayante pour pouvoir imposer la vaccination. Avec l’autorité de l’Éducation nationale, peut-être que les gens hésiteraient plus à ne pas faire vacciner leurs enfants. »

Dr Jean-Michel Cardinaud, Entressen (Bouches-du-Rhône)


« Il faudra s’appuyer sur nous, les médecins proches des familles. »


« Personnellement je suis partagé. Je ne peux qu’adhérer au fait de rendre obligatoires les vaccinations recommandées. Mais il faudra que cette obligation soit réelle à la crèche et à l’école pour être effective. On ne convaincra pas les rares propagateurs de discours de secte contre les vaccins mais les confrères en difficulté vis-à-vis de leurs patients hésitants ou même hostiles pourront s’appuyer sur cette obligation pour convaincre les parents. Si elle est perçue comme une réponse politique, cela risque d’avoir un effet très négatif. Il faudra s’appuyer sur nous, les médecins proches des familles. Dans mon expérience, il est rare qu’on n’arrive pas à surmonter les craintes mais il faut beaucoup de temps, d’explications, de patience… ce n’est pas toujours facile. Mais c’est notre rôle de médecins, protecteurs de la santé des enfants que nous soignons. »

Dr Paul Robel, Sarzeau (Morbihan)


Dossier réalisé par Camille Roux