Rare chez l’enfant, la maladie rénale chronique (MRC) est généralement mal connue des médecins. Elle doit être systématiquement recherchée par des éléments cliniques simples chez les enfants à risque. La prise en charge a pour objectif de prévenir et de ralentir une éventuelle dégradation de la fonction rénale (2). Si, à des stades avancés, elle relève plus du spécialiste, le médecin traitant doit connaître les modalités de suivi pour mieux accompagner la famille et collaborer avec son interlocuteur.
LE QUOTIDIEN : Dans quelles circonstances doit-on rechercher une MRC chez un enfant ?
Pr Christine Pietrement : Le dépistage doit être réalisé tous les 1 à 5 ans chez les enfants présentant au moins une de ces conditions : poids de naissance < 2,5 kg, obésité, antécédent familial au 1er degré de MRC, malformation du rein ou des voies urinaires, antécédents de néphrectomie partielle ou totale, d’insuffisance rénale aiguë, de traitement contre le cancer, de prise prolongée de médicaments néphrotoxiques, d’infections urinaires à répétition, HTA, cardiopathie congénitale, maladie de système. En dehors de ces circonstances, une cassure de la courbe de croissance, une asthénie, un syndrome polyuropolydipsique doivent faire évoquer une MRC.
Le dépistage de la MRC repose sur la bandelette urinaire, qui peut être complétée par le rapport protéinurie/créatininurie, la courbe de croissance, la mesure de la pression artérielle (PA). La PA normale de l’enfant est inférieure ou égale au 90e percentile des valeurs de références pour son sexe et sa taille. En cas d’anomalie d’un de ces éléments, le bilan sera complété par une estimation du débit de filtration glomérulaire (DFGe) par la formule de Schwartz, une échographie des reins et des voies urinaires, et l’enfant sera référé en consultation de néphrologie pédiatrique.
Quel bilan réaliser au diagnostic et pour évaluer le pronostic ?
La MRC est définie par la baisse isolée du DFG en dessous de 60 mL/min/1,73 m2 chez les plus de 2 ans, ou par la présence, pendant plus de 3 mois, de marqueurs d’atteinte rénale : anomalies morphologiques (repérées généralement à l’échographie), anomalies urinaires (le plus souvent hématurie, protéinurie ou microalbuminurie), baisse du DFG, lésions histologiques identifiées sur la ponction biopsie rénale – dont la réalisation n’est pas nécessaire dans la majorité des cas. La sévérité de la MRC dépend du DFG et du niveau d’albuminurie. L’évolution est difficilement prévisible et dépend entre autres de la cause et des complications.
Quelles sont les complications à anticiper chez l’enfant ?
Le suivi d’un enfant atteint d’une MRC a pour but de prévenir les complications et de ralentir la dégradation du DFG. Il porte sur la croissance staturopondérale (la MRC associée à une baisse du DFGe retentit de façon très importante sur la croissance staturale), sur le risque cardiovasculaire, ainsi que sur l’évaluation de l’anémie, de l’ostéodystrophie rénale ou des anomalies hydroélectrolytiques. La fréquence de cette évaluation est adaptée au stade de la MRC.
Quels sont les facteurs aggravants ?
Il faut éviter les médicaments néphrotoxiques (AINS), l’automédication, adapter les posologies des médicaments au DFG, prendre des précautions en cas d’injection d’iode ou de gadolinium, éviter le tabac. Dans les malformations des voies urinaires en particulier, les pyélonéphrites sont des facteurs de dégradation du DFG.
Quelle est la prise en charge thérapeutique ?
En dehors du traitement de l’étiologie, la prise en charge de la MRC est symptomatique. Elle vise à prévenir et/ou corriger l’anémie, l’acidose, la dénutrition, le ralentissement de la croissance, l’ostéodystrophie rénale, et à normaliser la pression artérielle. Le régime alimentaire est normoprotidique pour l’âge, les apports sodés sont adaptés à la pathologie, les apports de potassium sont contrôlés quand le DFG se dégrade.
Les prélèvements sanguins seront réalisés sur le dos des mains pour préserver le capital veineux. Les vaccinations doivent suivre le calendrier usuel.
En cas de dégradation de la fonction rénale, un accompagnement et un soutien psychologique de l’enfant, de ses parents et de la fratrie peuvent être nécessaires ainsi que le recours à un assistant social. Un lien est également établi avec le médecin scolaire.
Exergue : Le dépistage doit être réalisé tous les 1 à 5 ans chez les enfants
(1) Centres de références des maladies rénales rares, filière Orkid. PNDS, MRC de l’enfant. Synthèse à destination du médecin traitant, Déc 2018 (2) Pietrement C. Diagnosis and management of chronic kidney disease in children: Guidelines of the French Society of Pediatric Nephrology.Arch Pediatr. 2016 Nov;23(11):1191-200
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