Longtemps niée, la capacité du nouveau-né à ressentir la douleur n’a été admise par la communauté scientifique qu’à la fin des années quatre-vingt. De nombreux travaux ont montré les réponses physiologiques, hormonales, et comportementales induites par des degrés différents de nociception. Par ailleurs, des modifications de la réponse ultérieure à la douleur suite à une exposition précoce ont pu être montrées. Ces connaissances ont été enrichies durant la dernière décennie par des travaux utilisant la spectroscopie proche infrarouge révélant que la nociception créée par des gestes courants (ponctions veineuses ou au talon) pouvait générer des modifications de l’activité corticale chez le nouveau-né même très prématuré. La réalité corticale de la douleur du nouveau-né a été aussi étayée par des travaux montrant qu’une modification électroencéphalographique spécifique pouvait être provoquée par une ponction au talon. Tout récemment, la réalité corticale de la douleur du nouveau-né a été étudiée en utilisant la résonance magnétique fonctionnelle.
Des seuils plus bas de réponse à la douleur
L’équipe de Rebeccah Slater à Oxford a rapporté en 2015 une étude (1) montrant pour la première fois que 18 des 20 régions cérébrales connues chez l’adulte pour réagir à la douleur sont aussi activées chez le nouveau-né. De façon intéressante, les zones de l’amygdale, connues pour être impliquées dans la composante émotionnelle de la douleur, ne sont pas activées. L’étude montre également que les seuils de réponses des nouveau-nés sont plus bas que ceux de l’adulte venant ainsi corroborer des études plus anciennes basées sur les réponses comportementales signalant la plus grande sensibilité à la douleur des nouveau-nés et plus encore des prématurés. Ces études ne doivent pas conduire à penser que la douleur peut être mesurée de façon « objective et universelle » par la quantification d’une réponse corticale. Chez l’adulte, les mesures de l’activité neuronale et les auto-évaluations de la douleur ne sont pas interprétées comme étant le même phénomène. Bien qu’elles soient corrélées, les deux mesures sont complémentaires ; l’expérience douloureuse n’est pas directement et absolument reflétée par l’intensité de l’activation corticale. L’imagerie cérébrale apparaît comme une technique prometteuse pour mieux comprendre les mécanismes de la douleur chez les nouveau-nés.
Cette meilleure compréhension est essentielle pour appréhender les conséquences néfastes à long terme de la douleur et les éviter. En effet, plusieurs études indiquent qu’en période néonatale, la douleur répétitive est responsable à long terme d’une diminution des capacités cognitives (2), mais aussi d’une altération de la fonction motrice (3) et du développement cérébral (4). Ces effets néfastes pourraient être la conséquence d’une modification du flux sanguin cérébral dans certaines régions et des modifications neuronales induites par une sursimulation des neurones. Cette compréhension est d’autant plus importante qu’un nombre très important de gestes douloureux est pratiqué chez des nouveau-nés hospitalisés en réanimation.
Opioïdes chez les trois quarts des enfants ventilés
Des traitements analgésiques, y compris avec des morphiniques puissants, sont utilisés fréquemment dans les unités de réanimation néonatale. Une étude publiée en 2015 (5) et réalisée dans 243 unités de réanimation néonatale dans 18 pays européens montre que 34 % des enfants admis et 82 % de ceux qui ont eu une intubation trachéale ont reçu une sédation analgésie durant leur séjour. Parmi les enfants ventilés, 74 % ont reçu des opioïdes et 25 % du midazolam. Des études sont nécessaires pour évaluer plus précisément les effets à long terme de la douleur et les interactions qui peuvent résulter de l’utilisation des analgésiques puissants dans ce contexte. Sans oublier, bien sûr, que le soulagement de la douleur du nouveau-né est déjà en soit un objectif à atteindre en plus de la limitation des séquelles de la douleur non traitée.
(1) Goksan S et al. Elife. 2015 Apr 21;4. doi: 10.7554/eLife.06356.
(2) Vinall J et al. Pediatrics 2014;133:412-21
(3) Grunau RE et al. Pain 2009;143:138-46
(4) Zwicker JG et al. Pediatr Neurol 2013;48:123-29
(5) Carbajal R et al. Lancet Respiratory Medicine 2015:796-812
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