Néonatalogie : les échelles de douleur ne sont pas assez évaluées, selon une étude Cochrane

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Publié le 30/04/2025
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Les quelque 40 échelles d’évaluation de la douleur existantes en pédiatrie sont à utiliser avec précaution et en conjonction avec des faisceaux d’éléments cliniques, selon une nouvelle revue Cochrane. Les auteurs questionnent les méthodes de validation de ces outils, qui ne cocheraient pas toutes les cases de la rigueur scientifique.

Crédit photo : ADIL BENAYACHE/SIPA

On estime que 6 à 9 % de tous les nouveau-nés nécessitent une admission en unité de soins intensifs néonatals, en raison d'une pathologie ou d'une prématurité. Durant leur séjour, ils subissent de nombreuses procédures douloureuses pouvant entraîner des conséquences négatives à long terme. Évaluer la douleur chez les tout petits patients, incapables de vocaliser, nécessite des outils mais leur validation scientifique n’est pas toujours de la meilleure qualité, selon une nouvelle étude Cochrane.

Les limites des échelles peuvent conduire à une sous- ou surestimation de la douleur, entraînant une sédation inutile ou, au contraire, une douleur insuffisamment traitée. Si le problème se pose moins dans l’appréciation de la douleur aiguë et procédurale, peu d'échelles existent pour la douleur prolongée.

Des auteurs qui ne font pas de cadeau

Les auteurs de la revue Cochrane ont donc inclus dans leur analyse toutes les études portant sur une échelle d'évaluation de la douleur chez les nouveau-nés, prématurés (nés avant 37 semaines) et nés à terme (37 semaines ou plus).

En tout, ce sont 79 études portant sur 7 197 nourrissons, 326 infirmières et 12 médecins qui ont été passées en revue, afin d’évaluer 27 échelles cliniques utilisées dans 26 pays (sur une quarantaine d’échelles existantes). Quatorze de ces études concernaient des prématurés, 11 des enfants nés à terme, 46 des enfants des deux groupes. « Selon la checklist Cosmin, toutes les échelles présentaient un niveau de preuve très faible, soulevant des inquiétudes quant à leur validité, fiabilité et applicabilité dans cette population vulnérable et divers contextes cliniques », jugent sévèrement les auteurs, pour qui « les cliniciens doivent rester vigilants lors de l'utilisation des échelles néonatales actuellement disponibles. »

Ils estiment aussi nécessaire le développement approfondi du contenu des échelles et des tests de validité. « Nous n’avons pas besoin de nouvelles échelles mais de perfectionner celles qui existent déjà », analyse pour sa part la Dr Elizabeth Walter, pédiatre au centre hospitalier de Nanterre et chercheuse de l’équipe Oppale spécialisée dans le soin mère-enfant.

L’échelle Evendol tire son épingle du jeu

Dans 70 % des cas, les échelles d’évaluation de la douleur ne satisfaisaient pas les critères fixés par les auteurs pour être considérées comme valides. Et pour les quelque 30 % qui remplissaient ces critères, les preuves d’efficacité étaient faibles. « Bien que de nombreuses études aient été menées sur ces outils, elles l’ont été de manière inadéquate, ce qui donne l’impression que les échelles de douleur appropriées aux nouveau-nés existent », craignent les auteurs.

Parmi les mieux notées, figure l’échelle Evendol, publiée en France en 2012. Cette dernière accorde une importance particulière aux expressions faciales et permet d’évaluer les enfants de 0 à 7 ans. Initialement conçue pour le repérage des enfants douloureux aux urgences pédiatriques, cette échelle fait actuellement l’objet de travaux dirigés par la Dr Walter, afin d’être approuvée de façon plus large en néonatalogie et en pédiatrie de ville.

« Les pédiatres et les néonatalogistes savent qu’il n’existe pas d’échelle parfaite, concède la Dr Walter. Nous devons analyser des signes comportementaux frustes, et plus l’enfant est prématuré, plus cette analyse est difficile. » Ainsi, un nouveau-né ne sait pas se mettre en chien de fusil en cas de douleurs viscérales, et il n’est pas évident de distinguer une crispation de douleur pendant le sommeil. « L’expérience est très importante : je fais de la néonatalogie depuis vingt ans, et je suis maintenant plus aguerrie à repérer une douleur », poursuit la Dr Walter. Les cliniciens doivent prendre en compte la prématurité, la présence ou le risque d’entérocolite, le comportement de l’enfant par rapport à d’habitude ou d’autres enfants, ainsi que la tachycardie et la désaturation. « Il faut aussi prendre en compte la glycémie, dont on ne parle pas beaucoup et qui augmente avec le stress », ajoute la Dr Walter.


Source : lequotidiendumedecin.fr