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Dossier

Pédiatrie : les enfants ne font pas toujours comme les grands

Par Hélène Joubert - Publié le 07/06/2021
Pédiatrie : les enfants ne font pas toujours comme les grands


VOISIN/PHANIE

Du syndrôme inflammatoire multisystémique pédiatrique post-Covid-19 au traitement médicamenteux de l’appendicite chez l’enfant, le récent congrès de la Société française de pédiatrie (SFP) a été l’occasion de souligner les spécificités infantiles de certaines pathologies et de rappeler que ce qui vaut chez l’adulte ne se transpose pas forcément à l’enfant. A contrario, certains comportements du petit – notamment alimentaires – semblent fortement se calquer sur celui des parents.

Covid-19 : le PIMS, une nouvelle maladie ?

Lors du congrès français de pédiatrie 2021, le Covid-19 a tenu le haut du pavé. Plusieurs interventions ont en effet concerné le syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique lié au virus SARS-CoV-2.

Dès avril 2020, le nombre inhabituel de cas de myocardites avec état de choc cardiogénique chez des enfants avec une infection Covid-19 récente a alerté, résonnant avec l’épidémie de pseudo-maladies de Kawasaki observée dans l’épicentre italien de la pandémie (Bergame) et un phénomène de « chocs » hyper-inflammatoires chez les enfants en Grande-Bretagne. Les Anglais ont été les premiers à désigner le PIMS (Pediatric Inflammatory Multisystem Syndrome), aussi appelé MIS-C aux USA.

L’association temporelle avec le SARS-CoV-2 appuie l’hypothèse d’un phénomène post-infectieux. Au 2 mai 2021, 470 cas avaient été rapportés en France. 42 % de ces enfants ont été hospitalisés en réanimation, 24 % en USI et 34 % dans un service de pédiatrie.

Malgré des similitudes avec une maladie de Kawasaki (MK), « le PIMS est une nouvelle maladie post-infectieuse du SARS-CoV-2, rare mais grave, avec un tableau clinique bien plus riche », estime le Dr Véronique Hentgen (CH de Versailles). L’âge médian de survenue du PIMS est de 8 ans, contre moins de 5 ans pour le Kawasaki. « De plus, alors que l’on va évoquer la MK après 5 jours de fièvre, le PIMS est plutôt une fièvre aiguë. Parmi les points communs, on retrouve un énanthème, un exanthème, une injection conjonctivale, un syndrome inflammatoire important (encore plus fort dans le PIMS), des dilatations coronaires et des myocardites, ainsi qu’un syndrome d’activation macrophagique », ajoute-t-elle. Si les déclencheurs sont variés et souvent méconnus dans la MK, l’infection à SARS-CoV-2 se retrouve obligatoirement 4 à 6 semaines auparavant dans le PIMS. Celle-ci n’est pas nécessairement symptomatique, mais souvent un contact intrafamilial est retrouvé. La grande différence est la présence, dans le PIMS, de myocardite (71 % des cas versus 7 % pour les Kawasaki) et de choc cardiogénique, qui lui confèrent toute sa gravité, associés à un syndrome gastro-intestinal aigu systématique. Du point de vue biologique, l’hyperleucocytose est typique de la MK ; une lymphopénie et une coagulopathie sont plutôt caractéristiques du PIMS.

Pour autant, le PIMS pourrait-il être une présentation atypique de la maladie de Kawasaki ? « La MK est plutôt un syndrome qu’une seule entité, et la littérature sur le PIMS penche en faveur d’une anomalie immunitaire spécifique, ne se révélant qu’après une infection à coronavirus », résume Véronique Hentgen. Quoi qu'il en soit, « si l’incidence estimée du PIMS – moins de 2 enfants sur 10 000 infectés par le SARS-CoV-2 – en fait une maladie rare, il faut néanmoins y penser, estime la pédiatre, surtout si une circulation endémique du virus s’installe, avec des primo-infections concentrées sur les enfants car, au bout d’un moment, les adultes auront pour leur part rencontré plusieurs variants ».

Quelle place pour le traitement médical de l’appendicite aiguë ?

Si le traitement médical de l’appendicite aiguë est étayé par des études randomisées contrôlées depuis quelques années chez l’adulte, en revanche, les critères d’éligibilité chez l’enfant sont encore du domaine de la recherche. Selon le Pr Olivier Abbo (Toulouse), « l’antibiothérapie en cas d’appendicite aiguë de l’enfant est une alternative au traitement chirurgical systématique, même si des études randomisées sont nécessaires pour en cerner les indications et définir des facteurs de risque de récidive spécifiques à la population pédiatrique ». Chez l’adulte, plusieurs études contrôlées randomisées ont montré un taux de réussite du traitement antibiotique de 70 à 85 %, sans risque surajouté de complication, avec des taux de récidive de 40 % à 5 ans et maximal au cours de la première année. Les études pédiatriques, plus rares et non contrôlées, affichent des résultats proches : 85 à 97 % de succès initial et 15 à 30 % de récidives à 5 ans. La recherche sur l’intérêt de l’antibiothérapie va être « boostée » : l’année 2020 a vu une « explosion » du traitement médical de l’appendicite aiguë liée aux restrictions d’accès aux blocs opératoires. Une étude américaine a même constaté que près de la moitié des enfants avaient été traités par une antibiothérapie lors de cette période. Aucune donnée française n’est disponible.

L’appendicite aiguë chez l’enfant est donc un sujet d’actualité, d’autant que son diagnostic reste particulièrement difficile. « Un diagnostic trop tardif expose à un risque de perforation (30 à 50 % des cas en l’absence de diagnostic posé initialement), a rappelé le Dr Hervé Haas (Monaco). De plus, 1 enfant sur 8 est opéré à tort. » La démarche peut être aidée par l’utilisation de scores clinico-biologiques pédiatriques désormais disponibles en ligne (le PAS – Pediatric Appendicitis Score – et surtout le pARC – pediatric Appendicitis Risk Calculator), qui reprennent les éléments principaux du diagnostic : siège et caractère migratoire de la douleur, anorexie, vomissements, fièvre, défense abdominale et hyperleucocytose. Ces outils peuvent permettre de mieux cibler les examens complémentaires, comme en témoigne l’étude prospective menée par le Dr Laureline Berteloot (Paris). Conduite chez 90 enfants suspects d’appendicite aiguë, ce travail s’est intéressé aux performances diagnostiques de l’échographie dans cette indication. Résultats : 51 % des échographies ont abouti à un diagnostic, parmi lesquelles 36 % ont confirmé le diagnostic, avec une sensibilité de 85 % et une spécificité de 93 %. En appliquant les scores, principalement le pARC, il était possible de mieux sélectionner les patients et ainsi d’éviter les échographies inutiles, de diminuer les examens équivoques, et donc d’augmenter la performance diagnostique de l’échographie, dont le rôle est central et qui reste le seul examen d’imagerie indiqué en première intention. 

Leucémies aiguës pédiatriques, les CAR-T cells changent la donne

Les leucémies aiguës représentent 30 % des 1 700 cas de cancers de l’enfant recensés chaque année, dont la majorité sont des leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL). 80 % sont des LAL B, dont la prise en charge repose essentiellement sur des traitements lourds associant polychimiothérapie et greffe de cellules souches hématopoïétiques, avec des taux de survie de l’ordre de 90 % à 8 ans. C’est pourquoi, selon le Dr Marie-Émilie Dourthe (Paris), « les CAR-T cells représentent une avancée majeure dans le traitement des LAL B ». Le principe consiste à modifier génétiquement les lymphocytes T du patient afin de les munir d’un récepteur (le CAR) qui identifie les cellules cancéreuses et les détruit. Pour les LAL B, la cible la plus fréquemment utilisée est le CD19, exprimé sur la majorité des lymphoblastes, des lymphocytes B, et absent des cellules souches hématopoïétiques. Le premier traitement validé est le Tisagenlecleucel (300 000 euros l’injection), qui a récemment obtenu une AMM en Europe et aux USA grâce à une étude pivot chez 79 enfants montrant un taux de réponse de 82 % à 3 mois, une survie globale de 66 % à 2 ans, chez des patients en rechute ou réfractaires à deux lignes de traitement. Ce traitement expose à des effets secondaires aigus de mieux en mieux connus (relargage cytokinique, troubles neurologiques et d’aplasie B persistante) pour lesquels la prise en charge se précise. Les résultats de l’étude pivot viennent d’être confirmés « en vie réelle », et d’autres CAR-T cells ont depuis peu fait la preuve de leur efficacité – avec 68 à 90 % de réponses globales – ou sont en développement clinique. Les questions qui restent en suspens concernent l’efficacité et la toxicité à long terme de cette approche, la possible nécessité de réaliser une allogreffe au décours et son efficacité éventuelle dans d’autres indications (LAL B moins avancées, LAL T).

Les déterminants de la néophobie alimentaire

Plusieurs interventions du congrès ont exploré l’alimentation infantile et ses déterminants, en particulier ceux de la néophobie alimentaire. L’Observatoire du comportement infantile alimentaire – enquête observationnelle prospective multicentrique française conduite en médecine générale – a étudié l’alimentation de 1 356 enfants de 1 à 3 ans, période où se manifeste la néophobie alimentaire. « Comme attendu, fait remarquer le Dr Hugues Piloquet (CHU de Nantes), nous avons retrouvé l’âge (2-3 ans) parmi les facteurs explicatifs d’une méfiance envers la nourriture, mais également un recours aux récompenses pour faire manger, le fait de laisser l’enfant manger à sa guise, la prise du repas en présence d’une distraction et la prise occasionnelle du repas en famille. » Le mode de garde avec une assistante maternelle était au contraire associé à la néophilie alimentaire.

Une autre étude issue de la cohorte Eden illustre la transmission familiale des comportements alimentaires. Le mode alimentaire maternel semble en effet influencer celui de l’enfant. La restriction cognitive de la mère est associée à l’ensemble des pratiques restrictives du petit et à l’utilisation plus fréquente des aliments comme récompense. L’alimentation incontrôlée de la mère conduit aussi à plus d’injonctions alimentaires pour son enfant. Enfin, l’alimentation émotionnelle (consommation en réponse à un ressenti émotionnel plutôt qu’à la sensation de faim) maternelle est associée à plus de restrictions vis-à-vis du poids.

Quant à une étude exploitant la cohorte Elfe, elle met en évidence, parmi près de 8 000 enfants recevant une préparation infantile à l’âge de 2 mois, que l’enrichissement en acide docosahexaénoïque (DHA), en arachidonique (ARA) et avec une teneur élevée en acide gras longue chaîne acide eicosapentaénoïque (EPA) confère un effet protecteur vis-à-vis des maladies respiratoires, dont l’asthme.

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