« LE TROUBLE bipolaire est l’héritier de la psychose maniaco-dépressive (PMD) dont l’une des caractéristiques est de définir une pathologie évolutive et chronique avec des cycles de polarité dépressive et de polarité maniaque », rappelle le Pr David Cohen. Chez l’adulte qui présente un épisode maniaque, le diagnostic comme le pronostic sont quasiment certains : ce patient présentera, dans un délai plus ou moins long, un nouvel épisode. Chez les enfants, en revanche, l’existence d’une symptomatologie maniaque ou hyperthymique ne préfigure en aucune façon la survenue de troubles bipolaires à l’âge adulte. Les données longitudinales et rétrospectives menées chez les patients adultes souffrant de troubles bipolaires mettent en évidence de nombreux, mais très divers, antécédents psychiatriques. On ne retrouve pas de sous-groupe de troubles bipolaires à début précoce, note le Pr Cohen.
Dans la PMD, telle qu’elle était définie dans le DSM4, la symptomatologie devait évoluer par cycles avec des moments de thymie équilibrée, avec ou sans traitement. Puis, la définition s’est élargie et l’on parle aujourd’hui de spectre bipolaire avec un continuum entre le type 1 bien caractérisé, des sous-types et des troubles de la personnalité, notamment de type borderline, caractérisés par des cycles très rapides, avec des variations au cours d’une même journée. Ce qui correspond à un très vaste groupe de malades. Ce glissement, qui s’est opéré en psychiatrie adulte, avec l’acceptation, dans la définition de la bipolarité, de cycles ultrarapides, voire de l’absence de cycles, a conduit à mettre l’étiquette « troubles bipolaires » à tous les enfants présentant des symptômes à type de dysrégulation émotionnelle, excitation, hyperactivité, irritabilité… « Or on ne sait pas grand-chose de l’évolution de ces signes chez un enfant en plein développement ; le diagnostic n’apporte d’ailleurs aucune aide ni à la pratique clinique, ni à la prise en charge », précise le Pr Cohen. Ces jeunes patients présentent en outre, le plus souvent, de graves problèmes développementaux et de lourdes difficultés familiales et sociales qui requièrent une évaluation et une prise en charge individualisée.
Une approche récente propose l’utilisation d’un système de classification de manie juvénile comprenant trois phénotypes : étroit, intermédiaire et large. La manie de phénotype étroit se retrouve essentiellement chez des adolescents présentant des épisodes caractérisés de manie euphorique. En revanche, le phénotype large appelé « trouble sévère de la régulation de l’humeur » apparaît chez des patients plus jeunes, avec une évolution chronique, non épisodique, de la maladie qui ne comprend pas le symptôme distinctif de la manie, mais a en commun avec les phénotypes plus étroits les symptômes d’une irritabilité sévère et d’une hyperexcitation. Ils sont parfois confondus avec des formes sévères de TDAH.
Cette approche a conduit à la définition dans le DSM-V (publication prévue en 2013) d’une nouvelle entité, le trouble de la régulation de l’humeur avec dysphorie (TDDD). Les recherches se poursuivent afin de mieux cerner les différents tableaux cliniques et des études neurobiologiques sont en cours pour mieux comprendre les zones impliquées, notamment grâce à l’imagerie cérébrale.
D’après un entretien avec le Pr David, Cohen, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
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