Des espèces utiles pour la prévention

Une ferme de microbes protège les enfants de l’asthme

Publié le 24/02/2011
Article réservé aux abonnés

LA VIE AU GRAND AIR, l’activité physique, une alimentation « bio », si la vie à la campagne présente de multiples bienfaits pour les enfants, ce qui les prémunit contre l’asthme a de quoi surprendre les présupposéshygiénistes « modernes ». Ce qui les protège, ce sont ces petits « organismes » indésirables pullulant à foison en toute liberté sur le dos des animaux de la ferme. À partir de deux grandes études en Europe Centrale, l’équipe dirigée par le Dr Markus Ege montre qu’il existe une diversité microbienne dans les régions rurales par rapport aux zones urbaines et que celle-ci est corrélée à une moindre incidence d’asthme chez les enfants.

Certaines grandes familles d’espèces ont même pu être identifiées, fongiques comme eurotium et penicillium ou bactériennes comme Listeria monocytogenes ou certaines corynébactéries. Si l’exposition aux microorganismes est suspectée de longue date comme facteur protecteur de l’arbre respiratoire, c’est la première fois que la diversité microbienne est clairement mise en évidence avec l’ébauche d’une individualisation des espèces.

La première étude PARSIFAL menée en Allemagne a analysé l’ADN bactérien présent dans la poussière de matelas, à l’aide des polymorphismes simple-brin de conformation. Cette méthode permet en effet de détecter les bactéries non identifiables autrement. La seconde GABRIELA menée au sein d’une population bavaroise s’est attachée à examiner la poussière domestique des chambres d’enfants à l’aide des techniques classiques de mise en culture.

Une piste pour la prévention

De façon concordante aux données antérieures, les deux études ont retrouvé une moindre prévalence d’asthme et d’atopie chez les enfants vivant à la ferme. Elles apportent la preuve qu’ils sont exposés à une plus grande variété de microorganismes environnementaux. En allant un peu plus loin, les chercheurs montrent que la diversité microbienne est inversement corrélée au risque d’asthme avec un rapport des côtes (OR) de 0,62 pour PARSIFAL et de 0,86 pour GABRIELA. Étrangement, l’association n’a pas été retrouvée pour l’atopie.

Comment s’exerce l’effet protecteur de la diversité microbienne contre l’asthme ? L’une des hypothèses est que les microorganismes stimulent le système immunitaire inné, par exemple via les récepteurs toll-like, ces récepteurs qui reconnaissent les structures exogènes à la surface des microorganismes. Plusieurs d’entre eux seraient en effet activés très tôt dans la vie chez les enfants vivant à la ferme. Une alternative serait que certaines espèces microbiennes pourraient être protectrices, comme le suggère l’étude européenne. Alors que l’asthme a presque doublé en l’espace de trente ans, cette dernière interprétation ouvre la voie à des stratégies de prévention, encore peu développées actuellement.

N Engl J Med 2011;364:701-9.

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8912