Dans le Grand Est, dès le 2 mars les hôpitaux ont ouvert des lits et unités dédiées Covid-19. Fin mars, près de la moitié de l’hôpital de Mulhouse était dédiée au Covid-19 avec plus de 300 lits, dont 48 de réanimation. Grâce aux transferts de patients dans d’autres régions ou pays, et à l’apport de l’hôpital militaire de campagne installé fin mars avec 30 lits de réanimation, l’afflux de patients a pu être géré. D’autant que chaque mise en réanimation a fait l’objet d’une discussion collégiale et a été écartée pour tous les plus de 75 ans, même sans comorbidité, au vu de leur pronostic (plus de 95 % de décès au-delà de 70 ans). « Néanmoins, le système était prêt à craquer. Et de très nombreux soignants ont été infectés », souligne le Dr Olivier Debieuvre (hôpital Émile Muller, Mulhouse).
À Paris à l’hôpital Bichat, près de la moitié des ressources ont, elles aussi, été dédiées au Covid-19, avec 290 lits dont 67 en réanimation. Malgré une réduction de l’afflux de nouveaux patients, ces lits étaient toujours pleins à la mi-avril. Ici aussi, l’hôpital a tenu grâce aux transferts de patients. Une activité chirurgicale avec 7 blocs opératoires et 20 lits de réanimation non-Covid avait néanmoins pu être préservée pour traiter les urgences. « Mais, alors que le virus va persister au moins plusieurs mois, la question qui reste à résoudre est celle de l’après. Comment allons-nous fonctionner dans les semaines et mois qui viennent pour continuer à accueillir les patients atteints du Covid-19 et prendre en charge les autres malades ? », s’interroge le Pr Bruno Crestani (CHU Bichat, Paris).
Scanner, oxygénothérapie et thromboprophylaxie
« À l’hospitalisation, tous les patients ont une PCR. Mais, devant un tableau respiratoire sévère, le scanner basse dose affirme à lui seul le diagnostic − même en cas de PCR négative », explique le Dr Debieuvre. « Les aspects scanographiques très particuliers signent en effet la maladie en contexte épidémique. À savoir : pas ou peu de ganglions, pas ou très peu d’atteintes pleurales mais essentiellement des opacités en verre dépoli et des condensations sans réticulations, du moins au début, souligne le Pr Crestani. La maladie est aussi marquée par un potentiel d’aggravation rapide, parfois en quelques heures, souvent vers J7-J10, dans un contexte d’hypoxémie profonde contrastant avec une tolérance clinique souvent étonnante et d’hyper-activation inflammatoire biologique. »
« La prise en charge est centrée sur l’hypoxie : on ventile, on intube. À l’heure actuelle, nul autre traitement n’a fait ses preuves », résume le Dr Debieuvre. Mais les protocoles ont évolué. « On s’est aperçu avec l’expérience que l’on pouvait équilibrer et maintenir certains sujets sous très haut débit d’O2 sous masque à haute concentration, voire en optiflow ou sous ventilation non invasive à pression positive continue en attendant l’amélioration. De hauts besoins en O2 − jusqu’à 15-30 l/min − ne constituent plus à eux seuls une indication à aller en réanimation et à être intubé/ventilé, explique le Pr Crestani. D’autant que nous mettons désormais les patients les plus sévères sous corticoïdes, en les associant éventuellement à des immunomodulateurs (anti-IL 6, anti-IL 1) conformément à un protocole de traitement, spécifique à Bichat, revu en permanence. Avec semble-t-il un bénéfice. »
« Par ailleurs, vu le haut risque de maladie thromboembolique veineuse (phlébite, embolie pulmonaire) associé à la maladie mais aussi celui d’accidents ischémiques artériels à différents étages (mésentérique, membres inférieurs, AVC, etc.), les patients sont désormais systématiquement mis sous thromboprophylaxie préventive, basée sur des HBPM avec des protocoles adaptés notamment à leur IMC et à l’intensité du syndrome inflammatoire », explique le Pr Crestani.
Reste la question des séquelles… « Aujourd’hui, nul ne sait donc si les guérisons seront assorties de fibroses pulmonaires ou pas. Un suivi à long terme de ces patients est donc indispensable », conclut le Pr Crestani.
Entretiens avec le Dr Didier Debieuvre (Mulhouse) et le Pr Crestani (Bichat, Paris)
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