La pollution de l’air ambiant est aujourd’hui un important enjeu de santé publique. Dans ce cadre, le port d’un masque dit antipollution a-t-il un intérêt ? C’est la question sur laquelle s’est penchée l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (l’Anses) à la demande des autorités. Ses conclusions sont sévères*.
Des tests très théoriques
Pour les experts réunis par l’Anses, les données actuelles sont trop insuffisantes pour que l’on puisse recommander le port de ces masques. Primo, la très grande majorité d’entre eux ne vise que l’exposition aux particules, laissant totalement de côté la pollution gazeuse. Secundo, la plupart ne répondent pas à la réglementation des équipements de protection individuelle (EPI) à laquelle pourtant ils devraient se conformer. Tertio, quand ils ont été effectués, les tests en laboratoire surestiment largement l’efficacité en vie réelle, négligeant les nombreux aléas du port et de l’entretien du masque et les situations d’exposition rencontrées notamment lors des pics de pollution.
Les études sur le bénéfice sanitaire associé au port de ces masques sont rares, et leurs résultats ne sont guère probants. Autrement dit, très peu d’éléments en étayent le potentiel bénéfice clinique en population générale ou dans des populations à risque. Conclusion de l’Anses, le port d’un masque « antipollution » ne peut aujourd’hui être recommandé. Sans compter qu’en donnant un « faux sentiment de protection », il peut « entraîner des comportements conduisant à une surexposition. Par exemple un cycliste portant un masque circulant sur un axe à fort trafic pourrait être, in fine, plus exposé qu’un cycliste ne portant pas de masque mais choisissant d’emprunter des axes moins fréquentés »…
Quid des polluants gazeux ?
Sur les 215 produits revendiquant une efficacité contre la pollution de l’air ambiant recensé par l’Agence, 203 sont des « demi-masques ».
Constitués d’un matériau souple et étanche, ils recouvrent bouche, menton et nez. Ils comportent toujours une ou plusieurs soupapes expiratoires et se fixent autour de la tête à l’aide de brides. Tous ont des filtres mécaniques visant à la filtration des particules. Mais seulement un quart d’entre eux étaient aussi équipés de filtre à charbon actif, les fabricants revendiquant alors une « protection contre des gaz et des odeurs », sans néanmoins apporter plus de précisions dans la majorité des cas. Et plus de la moitié ont des revendications d’usage ambiguës : « protection contre la pollution de l’air ambiant », par exemple, pour un produit initialement destiné par le fabricant à protéger le bricoleur des poussières… Ces masques qui ne visent que la composante particulaire de la pollution et font l’impasse sur sa composante gazeuse ne peuvent être considérés comme protégeant de la pollution de l’air ambiant. Il s’agit selon l’Anses d’un détournement d’usage.
Dernier problème soulevé par l’organisme public, la réglementation n’est pas respectée. Les masques destinés au grand public dépendent en effet de la réglementation des équipements de protection individuelle au même titre que ceux utilisés en milieu professionnel, et doivent la respecter. Ils doivent donc être étiquetés, disposer d’une notice d’utilisation et du marquage « CE ». La notice doit être en français, et mentionner notamment le fabricant, les instructions de stockage, d’emploi et d’entretien, les performances, la classe de protection, les limites d’utilisation, et apporter des informations permettant à l’utilisateur de déterminer un délai de péremption praticable. On en est loin…
De nouvelles études nécessaires
Plutôt que de jeter le bébé avec l’eau du bain, l’Anses propose aux acteurs de la prévention de se saisir de la problématique. Deux idées directrices sont mises en avant : améliorer la transparence sur l’efficacité des produits, et promouvoir des études en explorant le bénéfice sanitaire. Elle préconise de s’assurer à l’avenir que les masques revendiquant une efficacité antipollution répondent à la réglementation des EPI et qu’ils réduisent l’exposition non seulement aux particules mais aussi aux polluants gazeux. Il faudrait en outre documenter leur efficacité et tolérance en conditions réelles d’utilisation pour des sujets « sains » et « sensibles » ainsi que « le bénéfice sanitaire, à court et long terme, lié au port de masques dit antipollution en incluant des situations de fortes expositions ».
Mais l’Agence entend surtout recentrer le débat sur le cœur du problème, la limitation des émissions de polluants. Une politique à mener de front selon elle avec l’information des populations, en particulier les plus sensibles, sur les comportements à adopter chaque jour pour limiter son exposition à la pollution ambiante.
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