Très facilement prescrits ou pris en automédication, avec un faux sentiment de sécurité, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les corticoïdes inhalés et les macrolides peuvent poser des problèmes pulmonaires.
Prise en charge retardée avec les AINS
Lorsqu’ils sont pris pour diminuer les symptômes, les AINS n’empêchent pas l’infection de progresser, au risque de prendre une forme beaucoup plus sévère. « Tout le monde a en tête des patients qui prennent des AINS en automédication pour de la fièvre, des douleurs, et qui se retrouvent non pas avec une pneumonie simple, mais avec une pleurésie associée, purulente ou un abcès pulmonaire. Dans ce type de situation, les AINS ont limité le contrôle de l’infection et surtout, ont engendré un retard à la prise en charge », insiste la Pr Andrejak qui estime essentiel que les généralistes (et si possible les pharmaciens) mettent en garde leurs patients à ce propos.
Cela ne veut pas dire que les patients qui ont des AINS au long cours, en raison d’une affection rhumatologique par exemple, doivent stopper leur traitement : pour ceux-là, la balance bénéfice-risque est en faveur de la poursuite du médicament. Il faut juste les prévenir que les symptômes de l’infection peuvent être masqués afin qu’ils redoublent de vigilance et consultent en cas de doute. Il faut aussi penser à poser la question « avez-vous pris des AINS ? » chez une personne qui présente une infection pulmonaire compliquée alors qu’elle n’a pas le profil à risque.
Un risque infectieux réel pour les corticoïdes inhalés
Attention également aux corticoïdes inhalés : ce n’est pas parce que le traitement est majoritairement local qu’il n’y a pas de risque. « Il y a un passage des corticoïdes en systémique, confirme la Pr Andréjak. Pour preuve, avec des corticoïdes inhalés à fortes doses, des cas d’ostéoporose et de cataracte ont déjà été décrits. Mais surtout, le risque infectieux n’a rien d’anodin. Lors d’une étude qui visait à démontrer que les corticoïdes inhalés diminuaient la mortalité des patients BPCO, il a finalement été trouvé une augmentation du nombre de cas de pneumopathies, spécifiquement chez les patients qui n’avaient pas l’indication à ce type de traitement (patients BPCO non exacerbateurs), probablement en raison d’une immunodépression locale. Au contraire, chez les patients BPCO exacerbateurs, il n’a pas été trouvé de surrisque. De même, chez les asthmatiques, le bénéfice est tel − le contrôle de la maladie protège des exacerbations qui font le lit des infections − qu’il n’a pas non plus été trouvé de sur risque ».
Il faut aussi prendre le temps de vérifier que les traitements sont correctement administrés, sous peine d’augmenter le risque infectieux au niveau de la sphère ORL : il s’agit notamment d’un risque d’infection fongique en cas de dépôt dans la bouche, d’où la recommandation de toujours bien rincer sa bouche après l’inhalation. Une étude un peu ancienne avait d’ailleurs montré que la fluticasone par voie inhalée à dose maximale était équivalente à la prise de 10 mg de prednisolone, ce qui n’est pas si anodin.
Des précautions avec les macrolides
Les macrolides sont prescrits chez des patients BPCO ou ayant des dilatations des bronches, au long cours, à raison de trois fois par semaine, pour leur effet anti-inflammatoire et donc pour limiter les risques d’infections à répétition. Ces données sont basées sur de rares études avec des molécules et des posologies variées. Là encore, cette prescription n’a rien d’anodin : « elle participe à la sélection de streptocoques au niveau ORL. Cela modifie le microbiome de ces patients et donc potentiellement, leur réponse aux infections. Enfin le risque d’infections à mycobactéries non tuberculeuse augmente, met en garde la Pr Andréjak. Avant de prescrire des macrolides chez un patient exacerbateur, il faut donc rechercher la présence de mycobactéries dans les crachats pour ne pas favoriser l’émergence de mycobactéries résistantes ».
D’autre part, les macrolides allongent le QT, d’où la nécessité de réaliser un ECG au préalable et de le vérifier régulièrement. De plus, les macrolides ont une ototoxicité, ce qui peut aussi nécessiter un audiogramme de surveillance une à deux fois par an. Il existe enfin des allergies aux macrolides. « Pour toutes ces raisons, les macrolides au long cours sont à réserver aux patients qui ont des dilatations des bronches et font beaucoup d’exacerbations, après toutes les vérifications recommandées », conclut la Pr Andréjak.
Entretien avec la Pr Claire Andrejak, service de pneumologie et réanimation respiratoire, CHU Amiens
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