Quand un médecin généraliste voit un patient qui se plaint pour la première fois de symptômes respiratoires, la probabilité clinique pour qu’il s’agisse d’un asthme est forte si celui-ci présente des sifflements, une toux sèche, quinteuse, un essoufflement et/ou une oppression thoracique. Ces symptômes peuvent apparaître à différents moments de la journée et/ou se manifester de nuit. Ils peuvent être déclenchés par des facteurs environnementaux tels que des virus, des allergènes, etc. Une notion de terrain atopique est aussi un bon indice. Enfin, l’asthme est hautement probable si le patient a été amélioré sous traitement bronchodilatateur (par exemple, après avoir emprunté la Ventoline d’un proche !).
Fort de ce constat, la question de l’accès à la spirométrie se pose. « Lorsqu’il n’y a pas d’accès facile et immédiat au pneumologue, le débit expiratoire de pointe (DEP) a toute sa place et mérite d’être réhabilité, tant son utilisation est aisée. Sa variabilité est à rechercher sur 15 jours ou plus. De plus, il est possible de réaliser une épreuve de réversibilité sur un DEP, en faisant souffler son patient trois fois, en prenant la meilleure valeur, puis en administrant deux bouffées de bronchodilatateur (Ventoline ou Bricanyl) avant de le refaire souffler, pour vérifier s’il y a une amélioration du DEP ; c’est alors un argument en faveur d’un asthme », explique la Pr Chantal Raherison-Semjen (CHU de Pointe-à-Pitre, Guadeloupe).
Pas de retard au traitement, mais des bilans à programmer
Devant un asthme hautement probable, le médecin traitant peut (et même doit) mettre en place un traitement de fond d’épreuve pendant 4 à 6 semaines, en commençant par une corticothérapie inhalée si son patient n’a jamais été traité en monothérapie (une association fixe formotérol-corticostéroïdes inhalés n’est pas forcément justifiée à ce stade). Il doit réévaluer son patient à l’issue de cette période. Contrairement au Gina, la Société de pneumologie de langue française (SPLF) estime qu’il y a aussi une place pour un ß2-agoniste à courte durée d’action à la demande, pour soulager les symptômes d’une crise d’asthme. « Deux éléments simples sont à réévaluer : le contrôle de l’asthme et le DEP. Ensuite, même s’il y a des disparités territoriales et donc des inégalités d’accès aux pneumologues, il faut essayer d’obtenir une consultation spécialisée dans les trois mois, en vue d’une spirométrie. Et tout patient asthmatique doit bénéficier, tôt ou tard, d’un bilan allergologique, car il aura peut-être besoin d’une désensibilisation, voire d’une biothérapie en cas d’asthme sévère », souligne la Pr Raherison-Semjen. Concernant la prise en charge des exacerbations, « certes, les généralistes n’ont pas accès aux nébuliseurs, mais il leur est possible de faire un équivalent, avec quatre bouffées d’un bronchodilatateur de courte durée d’action et une chambre d’inhalation, à répéter plusieurs fois dans la journée », détaille la Pr Raherison-Semjen. C’est d’ailleurs la technique autrefois utilisée, quand la nébulisation n’existait pas !
Aucune raison de ne pas traiter une femme enceinte, au contraire
Beaucoup s’interrogent sur la prise en charge de la femme enceinte, mais il faut bien comprendre que le danger vient de l’asthme (qui peut priver le futur bébé d’oxygène) et non des traitements. « La grossesse augmente le risque d’exacerbation de l’asthme. Si une patiente asthmatique enceinte avait un traitement qui permettait de bien l’équilibrer, il ne faut surtout pas envisager de désescalade pendant la grossesse, car l’objectif est bien qu’il y ait zéro aggravation durant cette période. Les traitements de l’asthme ne sont pas tératogènes. Et, si la patiente n’était pas traitée, il n’y a aucun problème pour mettre en place une corticothérapie orale (0,5 mg/kg/jour pendant 5 à 7 jours en se fondant sur le poids d’avant la grossesse). Enfin, il n’y a aucun risque à faire souffler une patiente enceinte dans le cadre d’un DEP ou d’une spirométrie », insiste la Pr Raherison-Semjen. Au moindre doute, le médecin peut consulter le site lecrat.fr, qui référence les médicaments tératogènes. C’est aussi un moyen de rassurer sa patiente afin qu’elle prenne bien son traitement.
Covid-19 : c’est le contrôle qui compte !
Les différentes études ont montré que les patients asthmatiques n’étaient pas plus à risque de présenter un Covid que les autres. Ils peuvent être vaccinés normalement et, surtout, ils ne doivent pas arrêter leur traitement en cas d’infection : « la corticothérapie inhalée ou orale doit être maintenue », conclut la pneumologue.
Entretien avec la Pr Chantal Raherison-Semjen (CHU de Pointe-à-Pitre, Guadeloupe) (1) C Raherison-Semjen et al. Mise à jour des recommandations pour la prise en charge et le suivi des patients asthmatiques adultes sous l’égide de la SPLF et la SP2A. Rev Mal Respir 38(2021):1048-83
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