Il ne faut pas dépister la BPCO chez les asymptomatiques !

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Publié le 14/06/2022
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Six ans après, à la lumière de la littérature publiée depuis, l’US preventive services task force réitère ses recommandations : il ne faut pas dépister la BPCO chez les sujets asymptomatiques, cela pourrait même être délétère.

Crédit photo : phanie

En 2016, la société américaine en charge des stratégies de prévention, l’US preventive services task force (USPSTF), avait déjà édicté des recommandations défavorables au dépistage systématique de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) chez les sujets asymptomatiques. Dans un contexte de progression d’incidence et d’arrivée sur le marché de nouveaux traitements, l’USPSTF s’est attachée à réviser ces recommandations, à la lueur des études cliniques publiées à ce sujet depuis six ans (1). Résultat, elle persiste et signe. Le dépistage des sujets asymptomatiques, même ceux pouvant être considérés à risque, est formellement proscrit. Parmi les raisons évoquées, au-delà du manque d’études exploratoires sur l’éventuel bénéfice d’un tel dépistage, c’est surtout le ratio bénéfice/risque limité du traitement chez l’asymptomatique qui est mis en avant, suivi par le rapport bénéfice-coût, probablement très limité, voire carrément négatif, associé à un tel dépistage.

Une mise à jour associée à l’analyse six essais d’intervention plus deux études observationnelles

Pour la mise à jour de ses recommandations, l’USPSTF a analysé les nouvelles études publiées depuis 2015. Parmi elles, aucune n’avait exploré l’éventuel bénéfice d’une stratégie de dépistage des sujets à risque asymptomatiques. Au total, huit études ont été retenues. Il s’agit de trois études cliniques portant sur plus de 20 000 patients, dédiées aux interventions pharmacologiques ; trois études bien plus petites (3 600 patients), portant sur des interventions non pharmacologiques ; deux vastes études observationnelles de cohorte, rassemblant près de 244 000 patients (2).

Un excès d’évènements en traitant trop tôt

Qu’apportent ces nouvelles données ? Rien de bien neuf, selon l’USPSTF : « Les résultats des études cliniques d’intervention pharmacologiques viennent confirmer les données précédentes. Elles confortent les recommandations de l’USPSTF sur le recours aux bronchodilatateurs, associés ou pas aux corticoïdes, qui peut réduire les exacerbations, quand le tiotropium ne peut améliorer la qualité de vie des patients souffrant de BPCO modérée. En revanche, on n’a toujours aucune donnée concluante sur le bénéfice éventuel d’une prise en charge non pharmacologique, quelle qu’elle soit et à quel type de BPCO qu’on s’adresse. Quant aux deux vastes études de cohorte dans une population cible, elles mettent en évidence un excès de survenue d’évènements cardiovasculaires majeurs chez les patients BPCO naïfs mis sous antimuscarinique ou antibêta-agoniste de longues durées d’action, et un excès de survenue de diabète chez les patients BPCO mis sous corticoïde inhalé », résume l’USPSTF (2). Des observations en vie réelle qui, on l’avouera, n’encouragent pas à traiter des sujets asymptomatiques.

Un bénéfice limité aux exacerbations… des sujets symptomatiques

Le bénéfice des interventions pharmacologiques reste très largement limité aux sujets souffrant de BPCO modérée. Chez ces patients, on peut avoir un bénéfice en termes d’exacerbations. Mais, même chez ceux qui sont franchement symptomatiques, le bénéfice est à tempérer par les effets secondaires, cardiovasculaires et métaboliques. Le bénéfice, en termes de mortalité, reste à démontrer.

De plus, les interventions non pharmacologiques n’ont toujours pas fait la démonstration de leur intérêt en pratique clinique que ce soit dans les BPCO légères à modérées ou dans les BPCO très peu symptomatiques.

 

(1) Screening for chronic obstructive pulmonary disease: reaffirmation recommendation statement. Jama 2022; 327:1806-11

(2) E M.Webber et al. Screening for chronic obstructive pulmonary disease updated evidence report and systematic review for the USPSTF. JAMA 2022; 327:1812-16

 

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr