En France comme à l’étranger, les sociétés savantes ne se sont pas prononcées sur l’utilisation de l’oxygénothérapie à haut débit (OHD) pour la prise en charge des patients Covid, notamment en raison d’un risque d’aérosolisation de particules virales. Un webinaire a fait le point sur le sujet.
Ce n'est que très récemment, depuis le DGS-Urgent du 13 novembre, que la direction générale de la santé (DGS) recommande l'OHD en cas d'infection à SARS-CoV-2. « Depuis la première vague du printemps, les données sur le risque de dissémination de bioaérosols (...) ont permis de repositionner la technique à la phase aiguë (...) mais aussi en aval d'un épisode de ventilation mécanique invasive en réanimation », a tranché l'autorité sanitaire.
Au tout début de la première vague, début mars, le Haut Conseil de la santé publique avait mentionné l'OHD en cas d'hypoxémie persistante (SpO2 < 90 %) après oxygénothérapie au masque tout en précisant de « ne pas retarder l'intubation » en cas de signes persistants de détresse respiratoire aiguë. Avec quelques mois de recul, en juillet, une étude de l'AP-HP (1) a montré cet été que l'OHD, appliquée dès l'admission des patients Covid avec insuffisance respiratoire aiguë, peut éviter le recours à l'intubation. « Cette prise en charge non invasive, lorsqu'elle est un succès, est susceptible de réduire la durée de séjour en soins critiques et à l'hôpital. La technique de haut débit nasal est susceptible d'être mise en œuvre dans les unités de soins intensifs Covid permettant d'envisager une diminution de la pression sur les unités de réanimation Covid », approuve la DGS.
Pour le Pr Pierre-François Dequin, réanimateur au CHU de Tours, s’il existe bel et bien un risque de contamination des soignants par génération d’aérosols contaminés par le patient avec les nébuliseurs pneumatiques et ultrasoniques (interface air/liquide non protégée), « ce n’est pas le cas lorsque l’on utilise des aérosols doseurs avec chambre d’inhalation ou des nébuliseurs à tamis vibrant ». Qui plus est, il n’existe « aucune certitude à ce jour sur le fait que les dispositifs d'oxygénation non invasive génèrent des aérosols et les données de la littérature suggèrent que s'il y en a, ils ne sont pas plus importants qu’avec d'autres systèmes d'oxygénothérapie », ajoute le professionnel. En revanche, il est toujours possible de mettre un masque chirurgical au patient par précaution.
Bénéfices pour le patient et la structure de soins
Quant aux bénéfices attendus de l’utilisation de l’OHD, ils sont multiples, estime le Pr Jean-Damien Ricard, de l’hôpital Louis Mourier à Colombes (Hauts-de-Seine). Pour le patient, tout d’abord : « soulagement de la dyspnée, amélioration de l'oxygénation, réduction du travail respiratoire, du recours à l'intubation et réduction de la mortalité », précise le spécialiste senior de l'étude de l'AP-HP (1). Une très récente revue de la littérature (2) vient d’ailleurs de confirmer les effets positifs de l'OHD sur le confort du patient, notamment via le conditionnement des gaz inspirés.
La technique moins invasive est également pour les structures puisque l’OHD permettrait de retarder voire d’éviter le transfert en réanimation et de faciliter la gestion du flux de patients graves (attente, dispatching, réanimation/unité de soins continus hors les murs). En 2011, une étude pilote prospective (3) avait d’ailleurs déjà mis en évidence que « le haut débit nasal pouvait être une thérapeutique intéressante en cas d'afflux massif de patients en détresse respiratoire lors d’une pandémie grippale en cas de capacité limitée ou dépassée de ventilation invasive ».
Effets sur l’intubation et la mortalité ?
Dans le cas du Covid, la très récente étude de cohorte COVID-ICU (4), menée parmi plus de 4 000 patients, a mis en évidence à la fois une augmentation sensible du recours à l’OHD et une baisse de l’intubation systématique dès le 1er jour chez les patients Covid admis en soins intensifs entre fin février et début mai 2020.
De plus, la mortalité à 90 jours a baissé au fil des semaines, passant de 42 % à 25 % (p < 0,001). « Connaissant les complications de la ventilation mécanique, on peut penser que le plus grand recours à l’OHD a pu contribuer à la diminution de mortalité, même s'il n'y a pas de lien de causalité démontré », indique le Pr Ricard.
D’autres données récentes viennent cependant apporter des arguments en faveur de l’intérêt de l’OHD, notamment une étude rétrospective nord-américaine (5) : « les patients qui ont eu besoin d'être intubés après une thérapeutique non invasive ont une survie diminuée par rapport à ceux qui n’ont pas eu besoin d’être ventilés, qui ont pu être managés avec le haut débit nasal », indique-t-il. Enfin, une étude (6) menée dans quatre services de réanimation parisiens a mis en évidence un moindre recours, statistiquement significatif, à la ventilation invasive chez les malades ayant reçu en première intention de l’OHD versus ceux n’en ayant pas reçu (55 % vs 72 % ; p < 0,0001).
D’après un webinaire organisé par Fisher et Paykel
(1) N Zucman et al. Intensive Care Med, 2020. doi.org/10.1007/s00134-020-06177-1
(2) JD Ricard et al. Intensive Care Med, 2020. doi.org/10.1007/s00134-020-06228-7
(3) B. Sztrymf et al. Intensive Care Med ,2011. doi.org/10.1007/s00134-011-2354-6
(4) M. Schmidt et al. Intensive Care Med, 2020. doi.org/10.1007/s00134-020-06294-x
(5) M. Patel et al. BMJ Open Respir Res, 2020. doi.org/10.1136/bmjresp-2020-000650 (6) A. Demoule et al. Am J Respir Crit Care Med, 2020. doi.org/10.1164/rccm.202005-2007LE.
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