S’il est rompu à la communication, il n’est pas fréquent que Francis Collins, le directeur des instituts américains de santé (NIH), signe un éditorial dans le « New England Journal of Medicine »(2). C’est chose faite. Et en quels termes ! « Les résultats des deux essais cliniques de phase 3, publiés dans le « NEJM » et « The Lancet », montrent les bénéfices impressionnants d’une trithérapie pour les patients présentant une mucoviscidose et au moins une copie de la mutation Phe508del du CFTR, ce qui représente environ 90 % des personnes affectées par cette maladie autosomique récessive écourtant la vie », écrit-il.
L’éminent généticien parle ici en expert : en 1989, il a contribué à la découverte du gène altéré dans la mucoviscidose et de sa mutation la plus courante : Phe508del. « Nous espérions que la découverte de ce gène mènerait un jour à des traitements efficaces pour les enfants et les adultes atteints de mucoviscidose, tout en sachant que la route serait longue. 30 ans plus tard, ce moment est enfin arrivé », s’enthousiasme le Dr Collins.
90 % des patients
Face aux résultats positifs des deux essais de phase 3, l’Agence américaine du médicament, la Food and drug administration (FDA), a rapidement approuvé le Trikafta (combinaison d’elexacaftor, de tezacaftor et d’ivacaftor) pour les adolescents (12 ans et plus) et les adultes mucoviscidosiques ayant au moins une mutation Phe508del. Ces derniers représentent environ 90 % des patients. La compagnie Vertex (Boston) a également déposé une demande d’autorisation de mise sur le marché du Trikafta auprès de l’Agence européenne des médicaments.
La mucoviscidose est causée par des mutations du gène CFTR (cystic fibrosis transmembrane conductance regulator) qui entraînent une dysfonction de la protéine CFTR, un canal transportant le chlore à travers les surfaces épithéliales notamment dans les voies respiratoires, les voies digestives et les glandes sudoripares. La mutation Phe508del, la plus fréquente parmi les 2 000 mutations connues du CFTR, code une protéine soit mal pliée et bloquée dans le reticulum endoplasmique, soit non activée si elle parvient à la membrane cellulaire. Le traitement devait donc inclure un correcteur (du mauvais pliage) et un potentiateur (activant la fonction de la protéine).
En 2012, la FDA a approuvé le potentiateur ivacaftor pour la mutation G551D du CFTR (produisant seulement une protéine non activée) trouvée chez 5 % des patients souffrant de mucoviscidose. Puis en 2018, l’agence a approuvé l’association du correcteur tezacaftor et de l’ivacaftor pour les patients homozygotes Phe508del, soit 46 % des mucoviscidosiques. Le Trikafta combine à présent l’elexacaftor, un correcteur de nouvelle génération, au tezacaftor/ivacaftor.
Un VEMS augmenté de 14 %
Le premier essai de phase 3 publié dans le « NEJM » est une étude de 24 semaines, randomisée en double aveugle, comparant le Trikafta à un placebo chez 403 patients portant une mutation Phe508del et, sur le second allèle, une mutation « fonction minimale » (autrement dit la protéine CFTR est absente ou ne répond pas in vitro à l’ivacaftor ou au tezacaftor/ivacaftor). Le second essai publié cette fois dans « The Lancet » est une étude de 4 semaines, randomisée en double aveugle, comparant le Trikafta au tezacaftor/ivacaftor chez 107 patients homozygotes pour la mutation Phe508del (3).
Dans les deux essais, le Trikafta a amélioré le volume expiratoire maximum seconde (VEMS), un marqueur établi de la progression de la maladie utilisé comme principal critère d’efficacité. Le VEMS a augmenté de 14 % en comparaison du placebo (à 4 et 24 semaines) et de 10 % en comparaison du tezacaftor/ivacaftor. Dans le premier essai, le Trikafta a aussi amélioré à 6 mois le nombre d’exacerbations respiratoires (diminution de 63 %), la teneur en chlore dans la sueur (baisse de 42 mmol/l) et l’indice de masse corporelle.Le profil de sécurité du Trikafta est similaire à celui du tezacaftor/ivacaftor, avec des événements secondaires généralement légers ou modérés. « Il y a de quoi se réjouir, souligne le Dr Collins. Toutefois, nous ne devons pas abandonner les patients mucoviscidosiques qui portent des mutations dites nulles (absence de fonction) et qui ne répondent pas à ces médicaments ».
Et pourquoi ne pas rêver d’un traitement curatif ? « On pourrait imaginer une approche de modification de gène in vivo dans les cellules somatiques des voies respiratoires », propose-t-il. La Fondation américaine de la mucoviscidose (Cystic Fibrosis Foundation) vient de lancer une initiative dans ce sens, avec un budget de 500 millions de dollars (452 millions d’euros) alloués pendant 5 ans. Elle visera à soutenir la recherche fondamentale et clinique dédiée au développement de traitements pour les patients non aidés par les médicaments de Vertex et, in fine, à la découverte d’un traitement pour tous les patients affectés par la mucoviscidose.
(1) P. G. Middleton et al., NEJM, 10.1056/NEJMoa1908639, 2019
(2) Francis Collins, NEJM, 10.1056/NEJMe1911602, 2019
(3) H. G. Heijerman et al., Lancet, 2019
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