Dans un bel exemple de médecine personnalisée, des chercheurs ont utilisé pour la première fois une nouvelle méthode de culture par reprogrammation afin d’identifier un traitement efficace pour un jeune homme affecté d’une papillomatose respiratoire récurrente ayant évolué vers un stade pulmonaire agressif et réfractaire. Avec un traitement par vorinostat, les tumeurs ont régressé et restent stables à quinze mois.
Notre première application clinique de cette technique représente un puissant exemple de médecine individualisée. Toutefois il faudra une armée de chercheurs et de solides données scientifiques pour déterminer si cette technique sera l’avancée qu’il nous faut pour entrer dans une nouvelle ère de médecine personnalisée », prévient le Dr Richard Schlegel (université médicale de Georgetown, Washington DC) qui a co-dirigé l’étude publiée dans le « New England Journal of Medicine ».
La papillomatose respiratoire récurrente (PRR) est une affection tumorale bénigne du larynx due généralement à l’infection par un papillomavirus (HPV-6 ou HPV-11) contractée à la naissance. Dans 3 à 5 % des cas, les proliférations tumorales bénignes (papillomes) s’étendent à la trachée. Dans moins de 1 % des cas, la maladie s’étend aux poumons et les traitements sont inefficaces à ce stade qui est presque toujours fatal.
Les anomalies virales ou cellulaires favorisant l’invasion pulmonaire sont incertaines, l’étude de ce stade étant entravé par l’absence d’un système de culture cellulaire approprié.
« Il était impossible jusqu’ici d’établir in vitro des cultures cellulaires normales pour la plupart des organes ; aussi ne pouvait-on comparer directement les cellules tumorales et les cellules normales », explique le Dr Schlegel.
Yuan et coll. décrivent le cas d’un jeune homme de 24 ans affligé depuis l’âge de 4 ans d’une PRR ayant envahi les poumons.
Ce patient avait subi 350 exérèses de tumeurs laryngées, 3 thoracotomies pour enlever des nodules pulmonaires et reçu divers traitements (interféron, méthotrexate, cidofovir intralésionnel puis bevacizumab intralésionnel). En 2010, une évolution pulmonaire agressive était constatée au scanner, nécessitant une quatrième thoracotomie pour exérèse tumorale.
Reprogrammation conditionnelle.
Face au sombre pronostic, les chercheurs ont recouru à une nouvelle méthode de reprogrammation conditionnelle afin de générer des cultures cellulaires du tissu pulmonaire tumoral et sain du patient.
Cette technique a été décrite récemment par l’équipe (« American Journal of Pathology », fevrier 2012). Elle repose sur l’utilisation de fibroblastes murins et d’un inhibiteur de la Rho-kinase (ROCK) et permet d’établir des cultures de cellules épithéliales pouvant croître indéfiniment in vitro. La méthode a été brevetée par les Drs Schlegel et Xuefeng Liu.
Après avoir identifié le virus HPV-11 dans les tumeurs du larynx, les chercheurs ont identifié un virus HPV-11 mutant dans les cellules tumorales pulmonaires en culture (qui ne présentaient pas de dégénérescence maligne). Leurs données suggèrent que la mutation du génome est survenue dans le poumon.
De plus, les cultures ont permis d’évaluer in vitro la sensibilité à 3 traitements déjà approuvés par la FDA pour d’autres indications. Moins de 2 semaines après la biopsie, les chercheurs identifiaient ainsi une résistance in vitro au cidofovir, une réponse modérée mais non sélective à la dihydroartémisinine, et une sensibilité sélective des cellules tumorales au vorinostat (par rapport aux cellules pulmonaires normales).
Le patient a donc été traité par vorinostat (400 mg/j ; par cycles de 3 semaines « on » et 1 semaine « off ») pendant un an. Une réduction et stabilisation des lésions était observée dès trois mois après le début du traitement et persiste à quinze mois.
Le vorinostat.
Le vorinostat, un inhibiteur d’histone désacétylase causant l’arrêt du cycle cellulaire et l’apoptose, est déjà utilisé pour traiter le lymphome T cutané, le syndrome de Sezary, le glioblastome récurrent et le stade avancé du cancer pulmonaire non a petites cellules, mais il n’avait pas encore été utilisé dans la PRR progressive.
Il reste à savoir si les résultats de cette étude s’appliquent aux autres cas avancés de papillomatose respiratoire récurrente.
Yuan et coll., New England Journal of Medicine du 21 septembre 2012.
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