Alors que Paris s'apprête à inaugurer, ce dimanche 15 janvier, la première zone à basses émissions de France par un mécanisme de circulation restreinte, les professionnels de santé qui sont confrontés quotidiennement aux conséquences de la pollution atmosphérique appellent à une prise de conscience collective.
« Beaucoup pensent que la qualité de l’air s’améliore en France et que la pollution n’a d’impact que sur les personnes âgées ou celles déjà atteintes de pathologies respiratoires. Et bien tout cela est absolument faux ! » Invitée par le réseau action climat à débattre sur les problèmes de pollution liés aux transports, La Pre Jocelyne Just, ne saurait être plus claire. La chef du service d’allergologie pédiatrique à l’hôpital Armand-Trousseau (Paris) rappelle ainsi que l’on est désormais passé « d’une pollution gazeuse à une pollution particulaire », essentiellement due aux véhicules roulant au carburant diesel. Même constat pour la professeure Isabella Annesi-Maesano, directrice de l’équipe « Épidémiologie des maladies allergiques et respiratoires » à l’INSERM/Université Pierre-et-Marie-Curie UPMC (Paris), pour qui les allégations rassurantes sur la résorption progressive de la pollution sont inexactes.
Le problème, selon elle, est qu’« elle est calculée de façon théorique et affiche bien souvent des valeurs moyennes, alors que nous avons besoin de mesures de concentration précises pour quantifier son impact à des endroits très exposés, comme les abords du périphérique parisien. » Malheureusement, ou opportunément pour certains, « les données manquent en la matière ».
Des pics en trompe-l’œil
Fortement médiatisés et laissant à penser qu’ils sont les seuls épisodes du phénomène ayant des conséquences sanitaires, les désormais célèbres « pics de pollution » seraient, pour les spécialistes, l’arbre qui cache la forêt.
Ainsi, le Dr Jean-Philippe Santoni, pneumologue et administrateur de la Fondation du Souffle, explique que « l’impact sanitaire de la pollution de fond est beaucoup plus important que celui qui résulte des pics ponctuels ». Le Pr J. Just rappelle également que cette dernière, insidieuse car « invisible » et rarement évoquée, présente des taux « supérieurs aux normes fixées par l’OMS » dans de nombreux endroits du territoire. Si cette pollution constante a des répercussions évidentes sur les personnes souffrant d’affections respiratoires (asthme, BPCO, cancers bronchiques) qui sont en quelque sorte « les sentinelles » de la population générale, la Pr J. Just insiste sur les effets délétères qu’elle peut avoir sur « l’avenir respiratoire des enfants » qui y sont exposés, « même in utero ». L'enfant qui respire plus vite que l'adulte va en effet inhaler plus de polluants qui affecteront d’autant plus son appareil respiratoire que celui-ci n’est mature que vers l’âge de 7 ans. Par ailleurs, la Pr I. Annesi-Maesano rappelle que « la pollution pénètre dans l’organisme, non seulement par inhalation, mais également par la peau ».
« Maintenant, ça suffit ! »
Plus largement, des méta-analyses évoquées par la Pr I. Annesi-Maesano mettent en évidence des corrélations entre la pollution de l’air à l’ozone, aux particules fines, ultra fines et aux nano particules et les maladies cardiovasculaires, ischémiques, métaboliques, neuro-dégénératives, ainsi que certains cancers, l’arthrite rhumatoïde et les maladies du spectre autistique. Sans compter les effets synergiques qu’elle a avec la consommation de tabac et durant les pics polliniques ou d’épidémies virales. Parce que les données sur la question foisonnent, le Dr J.P. Santoni estime donc qu’« il n’y a plus débat sur les impacts sur la santé d’une mauvaise qualité de l’air ».
Entraînant environ 48 000 décès prématurés en France, la pollution a un impact sanitaire équivalent à celui de la surconsommation d’alcool et ses conséquences délétères ne cesseront pas tant que des politiques publiques volontaires et fortes ne seront pas mises en place. Un objectif qui prend des allures de gageure à l’heure où de nombreuses villes ont remis en cause leur projet de transports collectifs en site propre, déplore le Réseau action climat. Pour la Pr J. Just, « ce n’est plus la peine de rajouter des capteurs, car (les chercheurs et les professionnels de santé) savant pertinemment quels sont les effets de la pollution actuelle sur la santé ». Désormais, il est temps que « les gens sachent ce qu’il en est exactement… Qu’ils réagissent et qu’ils disent : ça suffit ! ».
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