Que faire devant un asthme mal contrôlé difficile à prendre en charge et comment ne pas retarder le diagnostic d'un asthme authentiquement sévère, résistant à la corticothérapie inhalée à fortes doses ? La situation est courante en médecine de ville. « Ce sont en effet les généralistes qui assurent le suivi de la très grande majorité des patients asthmatiques et ils peuvent être parfois en difficulté face à des asthmes dont ils pensent qu'ils sont sévères parce que difficiles à traiter. En réalité, une grande partie de ces asthmes difficiles sont juste mal contrôlés alors que le médecin généraliste pourrait avoir une action efficace, parfois rapide. L'asthme sévère ne représente que 3 à 5 % de tous les asthmes. Il s'agit donc de situations rares, mais qui nécessitent la prise en charge par un pneumologue ou même un centre expert », indique la Pr Camille Taillé, pneumologue au centre expert de l'asthme sévère à l'hôpital Bichat à Paris. « Régulièrement, on reçoit des patients qui, en fait, n'ont tout simplement pas de traitement de fond par corticoïdes inhalés, ou qui ne savent pas le manipuler, ajoute-t-elle. Et à chaque fois, on se dit que c'est dommage pour eux d'avoir attendu plusieurs mois un rendez-vous dans un centre expert alors qu'ils auraient pu être soulagés bien plus tôt ».
Des propositions pragmatiques
Pour aider les généralistes dans ce type de situation, il existe un outil pratique et facile d'utilisation : le « Gina pocket guide », soit le Guide de poche pour le traitement et la prévention de l'asthme. Ce guide pratique est rédigé et actualisé chaque année par des pneumologues appartenant au « Global initiative for asthma ». « On retrouve dans ce groupe des experts internationaux de l'asthme qui ne font pas de recommandations en tant que telles mais des propositions pragmatiques, destinées aux professionnels de santé de premier ou de deuxième recours », indique la Pr Taillé, en précisant que ces propositions peuvent être consultées, en anglais, sur le site ginasthma.org. « C'est très accessible, avec des tableaux très synthétiques. Et cela permet vraiment à un généraliste de se poser les bonnes questions face à un asthme un peu difficile à contrôler. Avant de penser à un asthme sévère, il doit écarter toutes les autres causes pouvant expliquer le fait que cet asthme soit mal contrôlé », indique la Pr Taillé.
Plusieurs paramètres doivent être envisagés. « Le généraliste doit d'abord s'assurer qu'il s'agit bien de la bonne pathologie. Si on se base uniquement sur les symptômes cliniques, beaucoup de maladies bronchiques peuvent mimer un asthme… En creusant, on se rend compte qu'il existe des atypies dans la clinique et que le patient n'a en fait jamais eu d'EFR qui auraient pu confirmer ce diagnostic. Avant de s'en rendre compte, le généraliste peut être tenté, face un traitement qui reste sans effet, de s'engager dans une escalade thérapeutique. Sans résultat évidemment lorsqu'il ne s'agit pas d'un asthme », explique la Pr Taillé.
Le guide Gina détaille toutes les autres questions à se poser. « La situation la plus fréquente est celle de l'observance, avec un patient qui ne prend pas son traitement inhalé parce qu'il n'a pas compris pourquoi il devait le prendre ou qui le prend mal parce qu'il ne sait pas bien le manipuler (parce que souvent on ne lui a pas expliqué comment le prendre !). Cela peut être également lié, par exemple, à un reflux gastro-œsophagien ou une rhinite non traitée. Il peut aussi y avoir un syndrome d'apnée du sommeil non connu ou une exposition environnementale non identifiée », indique la Pr Taillé. Un bon critère à prendre en compte pour identifier les situations problématiques est le nombre annuel de cures de corticoïdes oraux. « Si cela se produit plus de deux fois par an, cela veut dire qu'il y a un problème d'asthme mal contrôlé, quelle qu'en soit la cause, et qu'il faut alors pousser un peu les investigations et ne pas hésiter à demander l'avis d'un pneumologue si on ne s'en sort pas », indique la Pr Taillé.
Le dépistage des asthmes sévères par les généralistes est un enjeu important. « Il s'agit en effet d'une maladie grave pour laquelle il existe des biothérapies qui ne peuvent être prescrites que par les pneumologues. Il est donc crucial que ces asthmes réellement sévères soient repérés et adressés à un pneumologue ou un centre expert, afin qu'ils puissent bénéficier sans retard de ces traitements si nécessaire. Il est donc important que les généralistes et les pneumologues puissent travailler ensemble, par exemple pour faire une EFR à chaque fois que cela s'impose », indique la Pr Taillé, en ajoutant que le guide Gina précise aussi tous les autres cas où un patient asthmatique, sans forcément être sévère, doit être adressé au pneumologue. « C'est le cas notamment de tous les patients ayant une allergie alimentaire. Ils doivent être vus par un pneumologue car ils sont à risque de faire des exacerbations mortelles ».
Entretien avec la Pr Camille Taillé, pneumologue au centre expert de l’asthme sévère à l’hôpital Bichat (Paris).
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