Les décès liés à l’asthme ont largement reculé dans les pays développés mais la mortalité reste assez constante depuis 20 ans. Une mauvaise adhésion aux corticoïdes inhalés et/ou une surutilisation des bêta-2 agonistes de courte durée d’action pourrait en être la cause. C’est ce que confirme une vaste étude de cohorte nationale suédoise (1) dans laquelle un recours excessif aux bêta-2 agonistes de courte durée d’action est associé à une majoration des exacerbations et des décès. Elle fait partie du vaste programme d’études observationnelles Sabina (Saba use in asthma) décliné dans 25 pays.
Près d’un tiers de surutilisateurs
L’étude rétrospective, basée sur les registres nationaux suédois, porte sur les asthmatiques de 12-45 ans. Soit 365 000 asthmatiques de 28 ans d’âge moyen, dont 56 % de femmes, ayant eu au moins deux prescriptions. Parmi eux, la moitié a un asthme intermittent à léger, un tiers un asthme modéré et 15 % un asthme sévère. Leur consommation en bêta-2 agonistes de courte durée d’action et leur morbimortalité ont été analysées sur 8 ans (2006 et 2014).
Pour quantifier l’usage, un inhalateur est standardisé à l’équivalent de 150 doses. La surutilisation est définie par le recours à plus de deux inhalateurs par an, soit au moins trois par an, dans l’année d’inclusion, ce qui correspond à plus que deux bouffées deux fois par semaine.
L’analyse met en évidence que près d’un tiers des asthmatiques surutilise les bêta-2 agonistes de courte durée d’action. Durant la première année, 2 % ont utilisé entre trois et cinq inhalateurs, 7 % ont consommé six à dix inhalateurs et 2 % plus de 11 inhalateurs.
L’utilisation des corticostéroïdes inhalés et bêta-2 agonistes de longue durée d’action, que ce soit en mono ou en bithérapie, ne diffère pas entre ces groupes de surutilisateurs ; en revanche, les très gros utilisateurs ont eu davantage recours à la corticothérapie orale.
Au cours du temps, la surutilisation de bêta-2 agonistes de courte durée d’action s’avère stable. Globalement 85 % des surutilisateurs le restent. Mais, en parallèle, leur recours aux corticoïdes inhalés décroît.
Une corrélation nette avec la morbimortalité
Dans cette population, la surutilisation de bêta-2 agonistes de courte durée d’action est associée à un risque accru d’exacerbation, de manière dose-dépendante, après ajustement sur l’index de comorbidité Charlson, le sexe et l’âge. Cette association est indépendante du recours, durant l’année d’inclusion, aux corticoïdes inhalés. Le surrisque est de 26 % (RR = 1,26 [1,24-1,28]) pour les utilisateurs de trois à cinq inhalateurs par an, de 44 % (RR = 1,44 [1,41-1,46]) pour six à dix inhalateurs par an et de près de 80 % (RR = 1,77 [1,72-1,83]) pour plus de 11 inhalateurs par an.
De la même manière, la mortalité totale est majorée. Alors que dans le groupe utilisant de zéro à deux inhalateurs par an, on est à 0,54 % de décès en huit ans, il y a 1 % de décès chez les surutilisateurs. Le surrisque de décès est de 26 % (RR = 1,26 [1,14-1,39]) pour trois à cinq inhalateurs par an, de 67 % (RR = 1,67 [1,49-1,87]) pour six à dix inhalateurs par an. Il est même plus que doublé (RR = 2,35 [2,02-2,72]) pour ceux qui dépassent les 11 inhalateurs par an. Les décès d’origine respiratoire et les décès liés à l’asthme sont eux aussi majorés.
Surveillance et adaptation du traitement
Selon le Gina, un asthme bien contrôlé ne devrait pas nécessiter plus de deux bouffées de bêta-2 agonistes de courte durée d’action par semaine. Pourtant, en Suède, un tiers des asthmatiques en utilisent plus que deux fois par semaine. Et 10 % utilisent plus de 11 inhalateurs par an. Ces surutilisateurs souffrent d’un excès d’exacerbations, de décès respiratoires et liés à l’asthme et de décès de toutes causes. « C’est pourquoi, que le recours excessif aux bêta-2 agonistes de courte durée d’action exerce une action causale, ou qu’au contraire il soit simplement un marqueur d’un asthme sévère ou d’une fragilité des patients, ce recours excessif doit alerter les cliniciens et les amener à suivre au plus près ces patients », concluent les auteurs.
« Après l’excès de recours aux corticoïdes oraux, c’est aujourd’hui l’excès de recours aux bêta-2 agonistes de courte durée d’action qui pose problème, rappelle l’éditorial accompagnant la publication (2). Bien que l’on sache depuis de nombreuses années que l’inflammation pulmonaire chronique est inhérente à l’asthme, ces bêta-2 agonistes de courte durée d’action sont pourtant restés l’option thérapeutique privilégiée dans l’asthme léger jusqu’en 2019 (Gina). Ils devraient à l’avenir être considérés comme un traitement de secours réservé à la prise en charge en urgence ».
(1) Nwaru BI et al. Overuse of short-acting β2-agonists in asthma is associated with increased risk of exacerbation and mortality: a nationwide cohort study of the global SABINA programme. ERJ 2020; 55: 1901872; DOI: 10.1183/13993003.01872-2019
(2) Charriot J et al. Asthma rescue treatments, time to reboot. ERS 2020; 55: 2000542; DOI: 10.1183/13993003.00542-2020
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024