Relativement rares rapportés aux presque 50 000 cas de cancer du poumon, de 900 à 1 000 cas de mésothéliome pleural malin (MPM) sont tout de même diagnostiqués chaque année. Les équipes des CHU ne les voient pas forcément, c’est justement pourquoi le Pr Arnaud Scherpereel, du CHU de Lille, a décidé de s’y intéresser. Il y a 6 ans, il répond avec ses collègues à un appel d’offres de l’Institut national du cancer (INCa). Son équipe de cliniciens saisit la balle au bond pour proposer une organisation différente de la prise en charge des patients atteints de MPM. Le réseau Mesoclin rassemble aujourd’hui 14 centres experts répartis à travers la France. « Au départ, en 2012, nous étions tous à peu près au même niveau sur les traitements proposés, c’est-à-dire pas grand-chose. Nous proposions essentiellement de la chimiothérapie, avec une espérance de vie de moins de 5 % à 5 ans, la médiane de survie ne dépassant pas un an à l’époque », se souvient le Pr Scherpereel. Les suites chirurgicales ne lui laissent pas de meilleurs souvenirs : « Très peu de patients étaient opérés, à des stades et dans des conditions pas vraiment optimaux. Ça s’est amélioré grâce à la mise en place de réunions de concertation pluridisciplinaires [RCP] dédiées au mésothéliome, de recommandations que nous sommes en train d’actualiser au niveau européen et de formations médicales que nous coorganisons. » Chacun peut désormais prendre avis auprès de l’un des centres experts du réseau. « Cela permet de proposer le meilleur traitement disponible par rapport aux recommandations partagées aux plans national et international », se réjouit le Pr Scherpereel.
Bientôt une « mésobanque »
« En se rapprochant de nos équipes dédiées dans le cadre de notre réseau Mesoclin, les patients accèdent aussi aux essais cliniques, qui font clairement progresser les connaissances comme les traitements », explique le spécialiste. Ce coup d’accélérateur permet aujourd’hui de voir arriver des thérapies ciblées, de l’immunothérapie, des traitements intrapleuraux. Des voies tout aussi prometteuses, pour les années qui viennent, dans le traitement du MPM que dans celui du cancer du poumon. Quant aux gestes chirurgicaux, qui étaient assez marginaux, ils semblent mieux définis, et proposés à bon escient : « Les candidats sont désormais mieux filtrés par les RCP pour accéder à ces thérapies associant la chirurgie à un traitement mutimodal », précise le Pr Scherpereel. Et les progrès devraient encore s’accélérer.
En s’appuyant sur le réseau Mésopath, qui a déjà compilé 22 000 cas de mésothéliome, un nouvel appel d’offres de l’INCa va permettre de constituer la « mésobanque » française, véritable collection de prélèvements, avec données cliniques à partager pour élargir les terrains de recherche. « On espère pouvoir enrichir régulièrement cette collection à disposition des chercheurs avec des données cliniques et de nouveaux biomarqueurs. Le diagnostic de mésothéliome pleural malin doit reposer sur des prélèvements tissulaires de bonne qualité, ce qui peut se révéler particulièrement complexe », poursuit le Pr Scherpereel. Raison de plus pour se tourner vers les centres experts, même s’ils ne sont pas toujours à proximité. « Cela ne veut pas dire que l’on empêche les autres de prendre en charge ces patients, mais il faut simplement qu’à un moment — idéalement dès le stade du diagnostic ou au plus tard avant la mise en place du premier traitement — le dossier du patient soit passé par un centre expert pour qu’on soit sûr que la prise en charge est optimale », souligne le Pr Scherpereel.
L’accès à la réparation facilité
Au-delà de l’accumulation de problèmes techniques, juridiques, organisationnels, l’objectif essentiel est d’arriver à un diagnostic fiable plus rapidement. De nets progrès ont été notés, liés à l’étroite collaboration avec le réseau Mésopath. Une précision indispensable pour que les patients exercent leur droit à réparation : classement parmi les maladies professionnelles (MP30 du RG…) en cas d’exposition professionnelle à l’amiante reconnue et/ou sollicitation du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva), seul recours si l’exposition était seulement domestique et/ou environnementale. « Nous devons leur permettre cette reconnaissance à la fois sociale et financière, même si naturellement ce n’est pas ce qu’ils attendent de nous en priorité. Cela reste néanmoins important pour eux comme pour leurs proches », affirme le Pr Scherpereel. Au-delà de l’expertise et des connaissances pointues sur ces cancers très particuliers au quotidien, le réseau Mesoclin partage donc les informations pratiques sur les parcours de soins et de réparation en étroite collaboration avec les associations de patients. Une brochure d’information pour les malades et leurs proches vient, avec leur aide, d’être éditée par le réseau ; elle est à disposition de tous les médecins prenant en charge ces patients, en ville comme à l’hôpital.
Entretien avec le Pr Arnaud Scherpereel, chef du service de pneumologie et oncologie thoracique, hôpital Albert-Calmette, CHU de Lille
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