Ce sont les études menées en cardiovasculaire qui ont les premières suggéré que de faibles doses d'aspirine réduisaient le risque de cancer de façon temps dépendante. Qu'en est-il dans le cancer du poumon ? Des études cas contrôle plaident un impact significatif de l'aspirine sur le risque de cancer pulmonaire mais les méta-analyses se sont avérées négatives. Quand l'analyse poolée des études randomisées ayant un suivi long (20 ans) met en évidence une réduction de la mortalité par cancer pulmonaire. Résultat, on ne connaît ni l'impact réel de l'aspirine ni le nombre d'années nécessaires à l'éventuel effet préventif ni les sous-groupes de sujets les plus à même d'en bénéficier. Pour répondre à ces questions une vaste étude rétrospective de cohorte a été menée en Corée (1). Elle montre que plus de 5 ans d'aspirine à faible dose sont associés à une réduction du risque de cancer pulmonaire. Mais les moins de 65 ans et les diabétiques n'en bénéficient pas.
Une énorme cohorte nationale coréenne
Les données utilisées sont tirées d'une vaste cohorte nationale coréenne (KNHID) et en particulier des données collectées entre 2002 et 2015. Au total plus de 12 millions de sujets âgés de 40 à 84 ans qui ont participé à examen de dépistage national en 2010 ont été pris en compte après exclusion de ceux ayant déjà un cancer pulmonaire et de ceux ayant été plus de 6 mois sous aspirine à dose standard (plus de 325 mg/j).
L'exposition aux doses faibles d'aspirine, définies par une dose ne dépassant pas 100 mg/j, a été examinée durant les années 2002-2010. Pour être qualifié d'utilisateur d'aspirine il fallait en prendre plus de 104 jours/an (plus de 2 fois/semaine en moyenne). En deçà les sujets étaient étiquetés comme non usagers au même titre que les sujets n'en prenant pas du tout. Enfin les durées d'utilisation ont été classées en 6 catégories : zéro an, 1-2 ans, 3-4 ans, 5-6 ans, 7-8 ans et 9 ans. Au total dans cette cohorte plus de 10 millions de sujets n'avaient pas pris d'aspirine à faible dose (84,5 %). D'un autre côté 750 000 en avaient pris 1-2 ans (5,5 %), 500 000 en avaient pris 3-4 ans (4 %) 370 000 en avaient pris 5-6 ans (3 %), 240 000 en avaient pris 7-8 ans (2 %) et 110 000 durant 9 ans (1 %).
Le suivi des sujets en particulier la survenue de cancer pulmonaire porte sur 2010-2015, soit sur plus de 63 millions de patient années. Parmi les 12 millions de participants, 0,5 % a développé un cancer du poumon au cours du suivi (63 040 cas). L'âge moyen au diagnostic de ces cancers pulmonaires est de 66,4 ans. Et parmi ces cancéreux 72 % sont des hommes, 28 % des femmes.
Plus de 5 ans d'aspirine, plus de 65 ans d'âge et pas de diabète
L'analyse a été menée après des ajustements sur :
- l'âge ;
- le sexe ;
– les revenus ;
- le lieu de résidence ;
- le tabac (oui/non et nombre de paquets-années) ;
- l'alcool ;
- l'activité physique ;
- l'IMC ;
- le diabète ;
- les antécédents familiaux de cancer ;
- un index de comorbidité.
Dans ce modèle ajusté, l'usage d'aspirine à faible dose durant plus de 5 ans est associé significativement à une réduction du risque de cancer pulmonaire de manière temps dépendant.
Les risques relatifs sont de :
- 0,96 (0,92-0,99) pour 5-6 ans d'aspirine ;
- 0,94 (0,90-0,99) pour 7-8 ans d'aspirine,
- 0,89 (0,84-0,94) pour 9 ans d'aspirine. Après 9 ans d'aspirine le risque est donc environ réduit de 10 %.
Le bénéfice temps dépendant est retrouvé dans les deux sexes, chez les non obèses et les obèses, chez les non-fumeurs et chez les fumeurs à moins ou plus de 30 paquets années. En revanche ce bénéfice n'est pas significatif chez les moins de 65 ans ni chez les diabétiques.
Le recours à de faibles doses d'aspirine durant plus de 5 ans semble donc à même de réduire le risque de cancer pulmonaire chez les sujets âgés et sans diabète indépendamment de leur sexe, de leur surpoids et de leurs antécédents tabagiques Et plus le traitement par aspirine est prolongé, plus le risque de cancer pulmonaire décroît.
Cette étude d'observation ne permet néanmoins pas de conclure à un effet de causalité. Ses résultats viennent néanmoins s'ajouter au corpus de données préexistant - dont les études randomisées - et plaident à nouveau pour un effet favorable de l'aspirine sur la prévention du cancer pulmonaire même si cet effet semble bien modeste.
(1) Ye S et al. Association of long term use of low dose aspirin as chemoprevention with risk of of lung cancer. JAMA Newwork open 2019;2(3):e190185.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024