Alors que l’exécutif alerte sur les risques de coupures de courant cet hiver, les malades sous assistance respiratoire à domicile s’inquiètent. Si, en cas de délestage, les patients à haut risque vital recensés par les agences régionales de santé (ARS) seront informés en amont, environ 1,7 million de Français sous assistance respiratoire ambulatoire ne font pas partie de cette liste prioritaire. Président de l'association Santé respiratoire France et pneumologue dans le Var, le Dr Frédéric Le Guillou se veut pourtant très rassurant quant aux conséquences éventuelles des coupures sur la santé des patients.
LE QUOTIDIEN : Pourquoi la plupart des patients qui ont besoin d’un appareil respiratoire à domicile ne sont-ils pas prioritaires en cas de coupures ?
DR LE GUILLOU : Tout simplement car tout a déjà été pensé depuis de très nombreuses années pour anticiper les coupures ! Par exemple, pour les 130 000 patients sous oxygénothérapie longue durée qui sont sous concentrateur – branché au courant – la loi impose déjà qu’ils aient un obus d’oxygène gazeux, qui peut servir en cas de délestage ou de déambulation. Il peut tenir largement plus de deux heures. Et la plupart utilisent de toute façon l'oxygène entre 15 à 18 heures par jour, donc il suffit d’adapter les horaires de traitement en cas de panne.
Pour les patients les plus sévères, la plupart sont déjà reliés à de l’oxygène liquide et ne sont donc pas raccordés à l’électricité. Cette histoire de coupure, c’est un faux problème. Cette polémique n’aurait jamais dû avoir lieu !
Qu’en est-il pour les patients souffrant d’apnée du sommeil ?
1,5 million de personnes souffrent d’apnée du sommeil et disposent d’un appareil à domicile de pression positive continue. Ils ne le branchent que lorsqu'ils dorment, donc quand bien même il y a une coupure de deux heures, comme annoncé, il n’y a aucune mise en danger de la vie d’autrui.
Quant aux patients qui sont sous ventilation non invasive, 90 000 personnes insuffisantes respiratoires, 85 % d’entre eux l’utilisent moins de douze heures par jour. Dans ce cas, il suffit d’adapter les horaires. Pour les patients lourdement handicapés, sous ventilation non invasive continue voire sur trachéotomie, il existe des batteries adaptées qui durent au moins deux heures.
Ces patients sont déjà parfaitement identifiés par les prestataires de services. Les industriels ont justement pensé ces machines dans l’optique d’une panne de courant et les professionnels de santé sont là pour être garants de la qualité de la prise en soin à domicile. Encore une fois, c’est une fausse polémique !
Lundi dernier, le porte-parole d’Enedis a affirmé que les « patients à haut risque vital sont éventuellement détestables ». Sentez-vous l’inquiétude de vos patients monter ?
Bien sûr, les pneumologues sont submergés d’appels de leurs patients. J’ai été obligé de faire une note sur mon standard téléphonique pour les rassurer. Le discours tenu est scandaleux, faire peur aux patients, ce n’est pas acceptable ! Le message à faire passer, c’est d’adapter les traitements et faire preuve de bon sens. Pendant la tempête Xynthia en 2010, j’étais en Charente-Maritime. Il y a eu des coupures de plusieurs jours, les patients avaient été déplacés. Là, si les délestages durent quatre voire six heures, éventuellement on pourra déplacer les malades.
Quels messages souhaitez-vous faire passer à vos confrères pneumologues ou généralistes ?
Il faut vraiment rassurer le patient. On n’est même pas sûr qu’il y aura des coupures et les patients seront prévenus 24 heures avant normalement. L’important, c’est que ces malades sous assistance respiratoire à domicile ne se rendent pas dans les services d’urgences en cas de coupures, car ça ne servirait à rien. Ça pourrait même être très délétère, en pleine épidémie de Covid, de grippe et de bronchiolite que ces patients à risque se rendent dans des zones surexposées à une pathologie infectieuse. Les médecins ont toujours été responsables et savent assurer la sécurité des soins en ambulatoire, au domicile, aidé par les prestataires de services. On n’a pas attendu une polémique inutile pour être à l'écoute de nos patients.
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