« Il faut bien reconnaître que pendant longtemps, la recherche en psychiatrie a été laissée en totale deshérence. Les psychiatres universitaires, de formation psychanalytique ou psychodynamique, n’étaient dans l’ensemble pas du tout formés aux métiers de la recherche », rappelle le Pr Jean Marie Danion. « Il y a une quinzaine d’années, une prise de conscience a eu lieu au niveau des grandes institutions, comme l’INSERM et le CNRS, sur l’état de délaissement de la recherche dans notre spécialité. Un tournant important s’est produit il y a cinq ou six ans avec l’intégration de la psychiatrie dans les neurosciences. On a aussi assisté à des efforts indéniables de l’INSERM et du CNRS pour mettre en place des unités de recherche labellisées etcréer des synergies entre leurs laboratoires de recherche et des CHU », poursuit le Pr Danion, en ajoutant que cette synergie fonctionne particulièrement bien entre le CHRU de Strasbourg et l’INSERM, notamment « pour renforcer la recherche clinique translationnelle ».
Le réseau FondaMental.
Parmi les autres avancées obtenues ces dernières années, le Pr Danion cite la mise en place du Réseau FondaMental, à Créteil, à l’initiative du Pr Marion Leboyer. « Ce réseau national fait travailler ensemble certains CHU français et d’équipes de recherche sur des grandes thématiques telles que la schizophrénie, les troubles bipolaires, l’autisme ou les dépressions résistantes », précise-t-il.
Pour le Pr Danion, une des priorités d’action, aujourd’hui, concerne la recherche translationnelle. « Un autre domaine important est celui des neurosciences cognitives ainsi que celui des nouvelles thérapeutiques comme la remédiation cognitive et les méthodes de stimulation cérébrale soit par stimulation magnétique transcrânienne, soit par l’implantation profonde d’électrodes. Cette dernière technique commence à être utilisée pour les troubles obsessionnels compulsifs et la dépression. Il s’agit vraiment d’un domaine de recherche où la France est en pointe », souligne le Pr Danion.
En dépit de ces progrès, le Pr Danion se dit frappé par le décalage important entre la prévalence des maladies mentales et les moyens consacrés à la recherche. « On sait aujourd’hui que, en termes de morbidité, le poids des maladies mentales est considérable. Parmi les pathologies classées comme étant les plus invalidantes, on recense cinq maladies psychiatriques. Quand on prend en compte la morbidité et les coûts sociaux liés à ces maladies, on constate une disproportion flagrante avec les moyens affectés à la recherche », déplore le Pr Danion. Celui-ci reconnaît que des moyens supplémentaires ont été débloqués via les PHRC. « Ils sont vraiment importants car ils nous permettent d’avoir des moyens et du personnel supplémentaire. Nous avons également besoin de chercheurs dont le recrutement reste difficile car les standards sont très élevés. Nous avons aussi besoin d’attachés de recherche clinique (ARC) et de techniciens. Dans ce domaine, il y a eu des progrès, mais on pourrait encore largement mieux faire », indique le Pr Danion, en soulignant aussi la nécessité de disposer de davantage de moyens techniques. « Ces besoins concernent notamment l’imagerie cérébrale et la génétique moléculaire. La voie d’avenir est à l’évidence celle de la création de grands centres qui permettraient une mutualisation des moyens. C’est vraiment une évolution dont la psychiatrie n’aurait que des bénéfices à retirer », ajoute-il.
Le Pr Danion constate aussi que la psychiatrie souffre de l’absence de grandes associations capables de drainer des sources importantes de financement en faveur de la recherche. « Il existe dans notre spécialité des associations qui jouent un rôle très important. Je pense en particulier à l’Unafam, qui a permis de faire reconnaître la notion de handicap psychique avec tout ce qui en découle en termes de l’attribution des allocations pour les patients. Mais ces associations ne sont pas en capacité de collecter des sommes importantes en faveur de la recherche. On ne peut que regretter qu’il n’existe pas de grand mouvement public pour subventionner la recherche dans le domaine des maladies mentales. Je sais qu’il s’agit là d’un objectif de la fondation FondaMental et de la fondation Saint-Anne », souligne le Pr Danion, conscient qu’une difficulté, pour susciter l’adhésion du public, est l’image « désastreuse » des maladies mentales dans l’espace public. « Les représentations des pathologies psychiatriques sont calamiteuses. Les médias n’en parlent qu’à l’occasion de faits divers dramatiques, mais isolés. Et on ne peut que déplorer qu’on parle rarement de la psychiatrie sous un angle plus positif, en insistant sur les progrès de la recherche, certes peu spectaculaire, mais réguliers ».
D’après un entretien avec le Pr Jean Marie Danion, chef du service de psychiatrie du CHRU de Strasbourg, directeur de l’unité INSERM 666 sur la schizophrénie. Le Pr Danion est aussi vice-président « recherche » au sein du CHRU de Strasbourg.
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